
Tous les mois, nous continuons de voir la gastro-entérologue et l'hématologue à Bordeaux pour le suivi d'Angelo. A chaque fois que nous les voyons, elles soulignent qu'Angelo est en sous nutrition, qu'il ne mange visiblement pas suffisamment car il ne grossit pas vite et cela ralentit sa croissance en taille.
Alors que Docteur C. (gastro-entérologue) était plutôt insistante et culpabilisante avec nous jusque septembre, nous sentons qu'elle change d'attitude envers nous, qu'elle tire la sonnette d'alarme tout en respectant notre rythme, nos doutes, nos questionnements, nos peurs. Je ne sais pas ce qui a permis ce changement de positionnement mais en tout cas, elle a bien compris qu'elle devait nous laisser le temps de faire un choix venant de nous même plutôt que de nous mettre la pression et nous culpabiliser.
Nous lui expliquons que c'est inconcevable pour nous de nourrir à nouveau Angelo artificiellement alors qu'il mange tellement bien par la bouche. De notre point de vu, nous trouvons qu'il mange de belles quantités. Comment se fait-il que ce ne soit pas suffisant ? Bien sûr, nous enrichissons tout ce que nous lui donnons à manger mais même cela n'aide pas. Nous lui demandons s'il n'a pas un problème d'assimilation ou problèmes d'hormones de croissance comme me l'a dit une autre Maman d'un enfant qui a le même syndrome qu'Angelo et que j'ai eu au téléphone. Docteur C. est catégorique, ce n'est pas ça le problème. Elle nous énerve avec ses certitudes alors qu'elle ne connaît absolument pas le syndrome.

Les mois d'octobre, novembre et décembre, je m'attele à me renseigner auprès d'autres spécialistes, à peser le pour et le contre d'une gastrostomie. Je mène une enquête poussée. C'est une obsession. Pour le moment, Angelo ne semble pas affaibli. Il est certes hypotonique et fatigable mais nous comprenons que c'est dû au syndrome plus qu'à l'alimentation. Docteur C. nous explique que justement, il n'est pas aidé par son syndrome et donc à nous de l'aider en lui donnant plus d'énergie avec l'alimentation.
Alors je commence mon enquête. Je me renseigne sur les blogs et forums concernant la gastrostomie. Je téléphone à plusieurs parents d'enfants ayant le même syndrome qu'Angelo et ayant eu des difficultés d'alimentation et/ou étant en gastrostomie et leur demande de m'envoyer leurs courbes de croissance.
Premier constat : dans toutes les courbes de croissance que je reçois, Angelo est dans la pire des situations.
Deuxième constat : Les enfants qui ont eu des gros troubles de l'alimentation étant petits et n'ayant pas reçu d'alimentation artificielle ont un retard mental sévère.
Troisième constat : les enfants en gastrostomie ont une vie marginalisée car ils ne peuvent pas être gardés par une nounou, sont sujets plus facilement aux infections et donc plus souvent à l'hôpital. Et pour certains, cela profite à leur développement et pour d'autres ça n'a aucun impact. Donc le résultat escompté n'est pas systématique.
Nous en parlons à Docteur C. en novembre. Elle nous dit que oui, nous ne savons pas si cela va marcher pour Angelo et qu'il est forcément plus sujet aux infections puisqu'il a une neutropénie. Donc elle est honnête, ne nous garantit pas une réussite mais nous dit que dans ce cas là, si c'est un échec, nous enleverons le bouton de gastrostomie et puis c'est tout. Nous ne forcerons pas s'il a trop d'infections, s'il vomit beaucoup trop et/ou si ça ne l'aide pas pour son développement.

Je continue mon enquête, je prends rendez-vous avec un endocrinologue qui connaît le syndrome à Moissac. Nous nous y rendons. Docteur B. est vraiment très agréable, prend le temps, s'adresse à Angelo. Il entend nos craintes concernant la gastrostomie mais, avec des pincettes, fini l'entretien en nous disant clairement qu'Angelo n'a pas de problème hormonal selon lui et qu'il s'agit d'un manque d'apport calorique. Il semble désolé de nous dire cela car il sent bien que ce n'est pas cela que nous aurions aimé entendre mais il est honnête avec nous. Nous repartons de ce rendez-vous, déçus.
Nous contactons aussi une médium-astrologue que nous avions déjà contacté avant le sevrage de la sonde naso-gastrique et qui nous avait beaucoup aidé pour faire notre choix et pour accompagner Angelo dans ce processus éprouvant. Cette fois-ci, en tirant les cartes, elle est catégorique : Angelo a besoin de cette opération pour être aidé pour se nourrir...ça va lui donner la pêche et l'aider à se développer. Si on ne fait pas ça, Angelo va stagner et perdre de l'énergie. Voilà l'essentiel de ce qu'elle nous a dit. Ce n'est pas non plus ce que nous voulions entendre mais depuis qu'on la connaît, elle est très juste dans ce qu'elle nous dit.
Je continue encore en demandant l'avis de l'équipe autrichienne. Marguerite, la pédiatre, demande à suivre de nouveau Angelo en ligne pendant un mois. Tous les jours, nous pesons Angelo et pesons ce qu'il mange et faisons des retours sur ses comportements. Selon elle et toute l'équipe, Angelo est certes maigre mais pour eux, du moment qu'Angelo a une bonne forme générale, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Ils trouvent qu'il mange bien mais qu'il est vrai que certains jours, il mange peu. Pour eux, son "programme génétique" n'est pas le même qu'une enfant "normal" et qu'il ne faut pas forcer la nature s'il n'est pas en danger. Car selon eux, la gastrostomie engendre des effets secondaires non négligeables, qui a impact majeur sur sa qualité de vie. Leur point de vu est intéressant.

Plus le temps avance, plus le stress, la confusion, la peur s'installe. Déjà trois mois que nous réfléchissons au différentes options et nous n'arrivons pas à prendre de décision. Nous savons ce que veut dire une gastrostomie : une opération comportant des risques et une vie à nouveau très compliquée et inconfortable pour Angelo et pour nous...avec en plus le risque qu'Angelo ne mange plus du tout par la bouche. Après l'année de travail qu'on vient de passer pour qu'Angelo arrive à manger par la bouche, après tous ces efforts pour lui et pour nous, ça ne nous paraît pas concevable de revenir en arrière, insupportable même.
Au sein de mon enquête, j'incorpore tous les jours un zeste de non rationnel : la prière. Je prie très fort pour que notre choix devienne une évidence.
Nous travaillons avec les psychologues qui m'accompagnent aussi sur cette question du choix et comprend que quel que soit le choix que je ferai, je m'en voudrai de ne pas avoir fait l'autre choix. Dans un cas ou dans un autre, nous faisons courir des risques à Angelo. Nous regretterons toujours un jour ou l'autre les choix que nous n'avons pas fait. Je prends conscience aussi que j'ai été traumatisée par les 6 mois d'Angelo nourri en sonde naso-gastrique et que pour moi, c'est inconcevable de revenir à cela : au refus d'Angelo de manger, aux vomissements, au stress de l'arrachage du bouton, au stress des alimentations interminables. Je suis épuisée, je manque vraiment de courage pour revenir à une vie quotidienne chargée de soins stressants et chronophages. Et en même temps, je comprends bien que Docteur C. et Docteur A. veulent la gastrostomie pour Angelo pour optimiser son développement qui rame.
Enfin, nous demanderons l'avis de notre pédiatre de ville qui n'hésites pas à nous donner son point de vu de la situation. Elle est plutôt médecines douce. Nous aimons avoir son point de vu qui est parfois plus ajusté à la réalité du quotidien que les spécialistes. Mais là, elle n'hésites pas à nous dire que la gastrostomie pourrait vraiment aider Angelo.
Mais faire une opération à un bébé qui mange et n'est pas apathique. Comment dire ? C'est assez déstabilisant.
Finalement, nous venons de revoir Docteur C. le 10 décembre. Nous avons passé une heure à parler de l'opération et des risques que comportent l'opération et les suites. Docteur C. est très à l'écoute, comprend nos craintes et nous dit qu'aucun parent fait ce choix facilement, d'autant plus dans notre situation où Angelo mange. Certains enfants ne mangent absolument rien à cause d'un problème physiologique. Dans ce cas là, la question ne se pose pas et pourtant, le pas reste difficile à faire pour les parents. Faire un trou dans l'estomac de son enfant, ce n'est pas rien.
Nous finissons par accepter de poser une date pour la gastrostomie en croisant les doigts que d'ici là une évolution miracle ait lieu. La gastrostomie est prévue pour le 15 février 2023, dans deux mois.
Je vais prier toutes mes forces pour qu'une évolution positive ait lieu et que le choix que nous ferons soit d'une évidence totale.

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