
Il y a ce jour de trop,
Celui bien trop éprouvant,
bien trop douloureux,
Bien trop stressant,
Qui a continué à creuser
l’abîme de ma tristesse,
Et qui l’a définitivement remplie
d’un ouragan de détresse.
Cette tristesse en dessous de la tristesse,
Cette boule dans la gorge que l’on ne peut nommer,
Qui ne se dénouera jamais.
Il y a la tristesse qui se guérit par les pleurs,
Et il y a la tristesse qui déteint sur tout le tableau de notre vie,
La connaissez-vous ?
Celle qui reste, qui semble chaque jour creuser un gouffre plus profond en vous,
Et se remplir de larmes jour après jour, regret après regrets.
Il y a ce jour de trop,
Dans un univers médical en crise,
Où personne n’a même plus le temps d’écouter,
De sentir la détresse et les besoins d’un bébé,
Où personne n’a même plus le temps de respecter et considérer
La douleur, les hurlements, la peur, l’incompréhension,
Où même la colère semble être un cri sans son,
Où même une larme semble assécher leurs âmes,
Où plus aucune émotion ne passe,
Où chaque demande est une brique en plus du mur qui nous sépare,
Où tout est aseptisé…autant le matériel que les coeurs,
Où l’anesthésiant n’est efficace que pour les soignants.
Il y a ce jour de trop,
Parmi tant d'autres jours de trop,
Où nous nous sommes encore battus,
Où nous avons été en rage,
Face aux erreurs, face à l’indifférence, face à la "mauvaise traitance",
Pour protéger notre petit, pour qu’il soit dans leurs yeux un être humain sensible,
Pour que ses besoins fondamentaux soient respectés,
Mais où ça a été peine perdue, encore une fois,
Encore une fois !
Alors je suis fatiguée, tellement fatiguée,
Alors je suis triste, bien plus accablée que ce que laisse à voir mon visage,
Bien plus enragée que ce que laisse à entendre ma colère.
Il y a ce jour de trop,
Parmi tant d'autres jours de trop,
Où j’ai eu la terreur que mon bébé perde pied,
Où j’ai vu que la douleur était bien plus insoutenable que ce qu'on m'avait expliqué,
Où j’ai vu son regard se planter dans le mien et me supplier d’arrêter tout ça,
Alors que lui, mon bébé si différent, ne me regardait pratiquement jamais dans les yeux !
Où j’ai senti sa petite main chercher la mienne,
la serrer d'une puissance à en faire exploser mon coeur,
Où je l'ai senti s'agripper à moi pour supplier une issue ...
Que je ne lui ai pas donné ...
Non, que je n'ai pas pu lui donner.
Où j’aurai voulu abattre tout le monde qui le « torturait », le prendre dans mes bras et m’enfuir,
Où juste c’était une fois de plus, une fois de trop…insoutenable.
Où j’ai senti son petit corps trembler de peur et suer de douleur contre le mien pendant des heures.
Il y a ce jour de trop,
Où comme d’habitude, je ne peux me résoudre à tout accepter,
Et pourtant, où comme d’habitude, je me résigne malgré mes réticences
car les médecins ne savent qu’une seule chose : justifier leurs actes par la peur ou la culpabilisation.
Où comme d’habitude, je ne peux pas arrêter ça même si j’en meurs d’envie,
Car tout simplement, c'est sûrement ce qui nous permettra un jour de l'aider et de le soigner.
Où comme d’habitude, la seule chose que je peux faire,
c’est d’être là, lui expliquer, le consoler, l’envelopper de tout mon amour, lui tenir la main, chanter.
Mais est-ce suffisant ?
Tous les jours, dix fois par jour, je me pose cette question.
Est-ce suffisant ? Où se situe la limite ?
N’y a t’il pas une limite malgré tout l’amour que nous pouvons lui apporter ?
Est-ce que la limite est la même pour moi et pour lui ?
Car cette fois-ci, pour moi, une limite a été franchie
Une limite sans possible retour.
Déjà trop de limites ont été franchies,
Une de plus, une de trop,
J’ai peur ! Tellement peur que ce soit pareil pour toi !
Car cette fois-ci, j’y ai perdu quelque chose de très précieux,
J’espère que toi, tu n'y a pas perdu quelque chose de précieux,
Je prie toute mon âme et tout le bleu du ciel que tu sois bien plus fort que moi.
Il y a ce jour de trop,
Qui m’a mise à terre,
Qui t'a mis à terre,
Encore une fois de trop.
Et je comprends aujourd'hui,
qu'il y aura encore beaucoup d'autres fois de trop,
Ce n'est que le début !
J’avais encore un soupçon d’espoir
Même ce soupçon s’est envolé,
Un rideau est tombé,
Comme si tout d’un coup,
Quoi que je fasse,
Tout est teinté d’une saveur maussade,
Tout est teinté de regrets, de mélancolie,
Même tes rires ne me font plus rire,
Même de te voir vivre me fait peur, me fait mal !
Que s'est-il passé ?
Juste ce jour de trop,
cet examen de trop,
Où j'ai consenti à l'acte de gentils bourreaux,
Qui te veulent du bien mais t'ont fait tellement mal,
Où je n'ai pas su dire à ta place,
Où je n'ai pas su exiger et taper du poing,
Ce qui pourtant était primordial.
Que s'est-il passé ?
Mon petit coeur,
Si j’avais su, j’aurais empêché cette journée du 11 avril 2022 de se dérouler.
Mon petit ange,
Je suis tellement désolée.
texte écrit suite à la journée du 11 avril 2022, journée décrite dans l'article précédent "Examens et ponction de la moelle : où se situe la limite de la mal-traitance?"
Ajouter un commentaire
Commentaires