
Dimanche 10 avril 2022. Après avoir voté, direction Bordeaux, 3h de route, arrivée 20h30 à la Maison des familles Saint-jean dans l’enceinte de l’hôpital Pellegrin. Nous sommes accueillis efficacement. C’est tout confort. Propre. C’est parfait. Sauf qu’il fait tellement chaud que ni Angelo ni nous ne dormons vraiment. Les fenêtres ne peuvent être qu’entrouvertes donc pas d’air. Nous étouffons. Même sans draps et couvertures nous suons. Couché minuit après l’alimentation d’Angelo qui dure jusque tard. Réveils nocturnes fréquents.
Lundi 11 avril 2022
5h30 : réveil pour avoir le temps de tout préparer. Alimentation d’Angelo pendant 1h30 de 6h30 à 8h. Nous choisissons de lui donner moins que d’habitude (180ml au lieu de 210 ml) car nous savons qu’à 9h, il y a aura le début de ses examens et donc sûrement préférable qu’il n’ait pas le ventre trop plein (pour éviter les vomissements). Evidemment, lui donner son alimentation dans une chambre toute petite, dans un lit qui est bas et non pas dans son parc, c’est plus complexe. Le distraire et le faire patienter pour qu’il ne bouge pas trop pendant 1h30 est évidemment très difficile, comme à la maison, mais encore plus quand nous ne sommes pas chez nous. Nous allons petit déjeuner à tour de rôle dans la salle à manger commune. Nous expliquons à nouveau à Angelo ce qu'il va se passer.
Après une petite promenade à travers les parkings de l’hôpital pour accéder au tripode (hôpital des enfants), nous arrivons à l’hôpital de jour niveau 1 à 8h30. Nous nous annonçons. Nous ne sommes pas au bon étage. Direction niveau 4. Nous y sommes. Chambre 19.
9h : l’infirmière vient se présenter et nous dit qu’elle va nous amener à l’échographie abdominale. Elle nous demande si Angelo est bien à jeun. Bien sûr que non puisque personne ne nous a prévenu qu’il fallait qu’il soit à jeun ! L’infirmière nous dit qu’elle va aller se renseigner si l’échographie est quand même réalisable.
10h : une auxiliaire de puéricultrice arrive, nous dit que l’échographie sera prévu plus tard. Elle essaye de prendre la tension, les mesures et poids d’Angelo. A ce moment-là, l’hématologue Docteur A. qui suit Angelo depuis quelques mois arrive. Angelo commence à s’agiter car le tensiomètre lui presse le bras. Doc A. nous parle en même temps. Je n’entends rien puisque Angelo s’agite et commence à pleurer dans mes bras.
Docteur A. croit que l’échographie a été faite. Nous lui disons que non parce qu’Angelo n’était pas à jeun.
« Pourtant vous étiez au courant, on vous l’a dit. »
« Et bien non, personne ne nous l’a dit! ».
Elle est étonnée, va voir sa secrétaire et revient. Elle semble dépitée mais habituée de l’oubli de sa secrétaire. Elle nous dit qu’il faut qu’Angelo reste à jeun à partir de maintenant, ni eau, ni nourriture et qu’ils vont essayer de trouver un créneau pour l’échographie dans la journée.
Elle nous explique les examens qui vont être réalisés et à quoi ils vont servir :
- ponction de la moelle osseuse pour savoir si sa défaillance immunitaire provient d’un défaut de production de cellules immunitaires par la moelle ou d’autre chose.
- prises de sang pour un bilan général et approfondi
- Échographie de l’abdomen pour vérifier le bon fonctionnement du foie, vésicule etc.
- prises de sang pour des recherches génétiques très approfondies qui seront envoyées à Nantes et Paris
- Le remplacement de sa sonde naso-gastrique qui doit être changé tous les mois
- Passage de Docteur C., gastro-entérologue pour faire le point sur l’alimentation par sonde et sa croissance
Un programme de rêve !
Nous lui précisons que le CGH array (analyses génétiques) a déjà été lancé en décembre 2021 et que nous attendons toujours les résultats . Elle nous précise que visiblement, le CGH-Array n’a pas été fait correctement ou bien perdu et qu'il faut le recommencer. Nous n’en revenons pas. Quatre mois que nous attendons et demandons les résultats et là, on nous annonce qu’il faut tout refaire ! On se fout de notre gueule ou quoi ? Gérald hausse le ton à ce sujet. Elle lui répond :
« Monsieur, il va falloir être détendu pour votre fils pour que les examens de tout à l’heure se passent au mieux. »
« Ben oui, bien sûr, après ce que vous nous annoncer, c’est très facile de se détendre. C’est une erreur de votre part, c’est bien légitime d’être en colère non? »
« Oui mais je recadre. Il est important que vous restiez calme! »
« Moi aussi je recadre » dit Gérald. « ça fait des mois qu’on est balloté, qu’il faut sans arrêt téléphoner pour obtenir des réponses, des résultats d’examens. Pas moyen qu’Angelo subisse encore plus d’examens à cause de vos oublis ou erreurs ».
« Ne restons pas bloqué sur le passé, avançons maintenant dans le présent et cherchons ensemble les causes de sa neutropénie. »
Nous ne voulons pas nous attarder non plus mais nous sommes énervés, n'en revenons pas de sa façon de nous culpabiliser et de fuir sa responsabilité. Nous lui précisons que nous avions déjà signé un papier pour des recherches génétiques autre que le CGH-Array où il était question de rechercher certains syndromes. Elle nous répond que plusieurs syndromes ont déjà été écartés : trisomie 21, syndrome de prader willi et d'autres. Faut-il en être rassuré ? Je ne sais pas. Nous sommes en colère de ne pas avoir été mis au courant alors que nous stressons depuis des mois dans l’attente de ces résultats.
Elle nous explique que ce sont les syndromes les plus fréquents qui ont été recherchés et qui atteignent des chromosomes ou « grands » gènes. Il reste beaucoup d’autres anomalies génétiques à rechercher ou écarter au vu des troubles d'Angelo. Il peut très bien être porteur d'une maladie génétique comme d'une maladie auto-immune ou alors simplement une déficience passagère. Elle nous évoque toutes les possibilités. Rien de rassurant. Nous prions juste que ce ne soit qu'une déficience passagère de début de vie.
Elle repart, nous sommes déjà dans un état d’énervement. Ça commence bien !
Nous expliquons ce qui se passe à Angelo et lui décrivons comment va se dérouler la journée.
12h : Deux pédiatres arrivent. Questionnements sur l’anamnèse d’Angelo. Ça doit être la 30ème fois (et encore, je crois que je suis gentille) que nous répétons l’histoire d’Angelo. Ils auscultent Angelo pour la 40-50ème fois peut-être…toujours de la même manière…ils ne parlent absolument pas à Angelo, ne lui disent même pas bonjour. Le déshabille à la va vite. Tests réflexes, tonus, observation de la peau, yeux, bouche, oreilles, abdomen, coeur, poumons etc. Comme s'ils manipulaient une poupée. On le pèse, le mesure. Angelo connaît ces blouses blanches ou bleus avec masques s’approcher de lui sans lui parler, juste en le manipulant dans tous les sens, en lui mettant des trucs dans la bouche, dans les oreilles. Dans ces moments là, Angelo se met en position de repli, les poings et membres refermés, le regard au loin, fuyant, il ne s’intéresse pas à ce que lui montre les pédiatres. C’est inquiétant pour eux. Nous leur précisons qu’à la maison, il s’intéresse aux jouets qu'on lui montre, beaucoup aux lumières, qu’il bouge tranquillement, rigole, gazouille mais qu'il ne nous regarde toujours pas dans les yeux et n'est pas très actif. Mais ce qu'on dit ne les intéresse pas. Ils écoutent juste les réponses à leurs questions.
Avant de partir, ils posent à Angelo des gros patchs anesthésiants à l’arrière du dos et aux plis de l’aine et lui injectent par la sonde naso-gastrique un antalgique en prévision de la ponction de la moelle qui va avoir lieu d’ici 30-45 minutes environ. L'infirmière retire la sonde naso-gastrique d'Angelo. Je demande à ce qu’on lui pose un patch pour la prise de sang qui va avoir lieu en même temps et qui va durer longtemps au vu de la quantité de sang qu’ils vont devoir prendre. L’infirmière refuse. Elle me dit que ça va l’empêcher de faire correctement la prise de sang car après la pose d’un patch, les veines roulent et parce qu’elle ne sait pas encore où elle va piquer. J’insiste. Elle ne veut pas et s'en va sans même me laisser le temps de réagir. Je suis de nouveau en colère. J’en ai marre qu’on nous refuse des antidouleurs pour leur propre confort à eux.
14h : C’est l’heure de la ponction de la moelle. Je suis rassurée qu’Angelo ait des patchs anesthésiants et un analgésique oral. Ils arrivent à 5 personnes : trois pédiatres du laboratoire d’analyse de la moelle, une puéricultrice, une auxiliaire de puériculture. Ils nous proposent de sortir si on le souhaite. Nous ne sortons pas, nous voulons être présents pour soutenir Angelo.
La suite fut longue, trop longue.
Ils ont commencé par mettre Angelo allongé sur son côté gauche. Puis, même si je n’ai absolument rien regardé de la taille de l’aiguille, du geste que le médecin a fait, lorsqu'il a commencé, à cet instant, au regard d’Angelo, à ses hurlements, j’ai compris que ça faisait beaucoup beaucoup plus mal qu’une simple prise de sang qu’il a bien trop l’habitude de subir depuis sa naissance. Pourtant il a des anesthésiants. Je lui prends la main en lui chuchotant que je suis là, Gérald caresse son visage et l’encourage. C’est très long. Je ne comprends pas pourquoi. Le visage d’Angelo se décompose, il s’agrippe plus que fermement à mes mains, se débat. Intérieurement, je ne comprends pas pourquoi il a l’air d’avoir si mal. L’infirmière nous dit qu’il hurle parce qu’on le contraint physiquement. Non, moi je sais que ce n’est pas la contrainte qui le fait hurler de cette manière, qui le fait se débattre ainsi. J'ai trop l'habitude de le voir subir des examens, des soins douloureux et invasifs. Je vois tout de suite aux réactions d'Angelo que cet examen là est bien plus douloureux. Mais nous sommes venu ici pour faire cette ponction et c’est elle qui va nous permettre de comprendre ce qui se passe pour lui, d'obtenir un diagnostic alors je m’accroche à cette idée pour continuer. Ils sont 5 à le contenir, chacun tient un membre et son bassin. Puis le médecin finit par retirer l’aiguille et nous dit qu'il n'a pas réussi à ponctionner, qu'Angelo bouge trop et son muscle qui se contracte empêche le passage de l'aiguille. Il faut recommencer, de l’autre côté. Mon dieu ! Non !
Je ne voulais pas, je me suis contenue pour ne pas dire « non, stop, on arrête, c’est trop douloureux pour lui ».
Pour qu’il se repose, l’infirmière propose de faire la prise de sang pendant ce temps. Vachement reposant ! Nous la laissons faire. Il ne faut pas traîner. C'est évidemment pas un soin des plus reposant pour Angelo.
Je ne comprends pas pourquoi ils n’ont pas mis d’anesthésiants plus forts. Les soignants ont l’air d’être habitués à cela. Mon inquiétude est-elle fondée ? Suis-je folle de me dire que mon enfant souffre atrocement et que j’aimerais qu’il soit anesthésié davantage ? Mais cela a l’air tellement naturel pour les soignants que je me dis qu'il faut que je leur fasse confiance. Je n’écoute pas mon ressenti qui est pourtant flagrant. Mais que dire quand on est pris dans "l'obligation" de faire cela, dans la sidération, l'incompréhension et que les soignants ont l'air si sûr d'eux et qu'ils ne peuvent absolument pas reporter un examen, un soin. On sait que c'est à leur rythme ou rien.
C’est reparti pour un tour, ils tournent Angelo de l’autre côté et le pédiatre pique à nouveau. Avec Gérald, nous tenons chacun une main à Angelo et lui chantons une chanson, tout doucement. Il s’agrippe de toutes ses forces, il n’hurle plus mais il pousse des gémissements de douleur avec des spasmes. Il me regarde droit dans les yeux et me supplie d’arrêter de son regard cette torture…qui dure trop longtemps. Il est trempé de sueur et tremble de tout son corps, ses gémissements avec spasmes s’amplifient, c’est insupportable, je supplie le ciel que le médecin arrive à ses fins le plus rapidement possible. C’est insoutenable, les larmes commencent à couler de mes yeux, je n’arrive plus à chanter, ma gorge est trop serrée, je pose mon front sur le sien, je pleure avec lui et je lui dis intérieurement : donnes moi ta souffrance, je t’en supplie, donnes moi tout !!! Dans mon corps, c’est la révolte, j’ai envie de crier d’arrêter, de foutre un coup de poing au pédiatre et de me barrer avec Angelo. Je me contient. Je sais, je sens que Gérald se contient aussi…car tous les deux, on comprend que la douleur pour Angelo est insoutenable mais qu’il n’a pas le choix car il est contenu et contraint de force. Lui, il n’a pas la parole pour dire : « stop, arrêtez, je ne veux pas subir cela, la douleur est trop insupportable, je veux un anesthésiant plus fort, je veux qu’on m'endorme pour subir cela. » Sa parole, normalement, c'est nous, ses parents. Mais nous ne disons rien. Parce que sur le moment, nous ne savons pas et nous n'avons pas le temps de réfléchir, d'écouter notre ressenti.
Le pédiatre a finit par réussir sa ponction. La "torture" pour Angelo aura duré 30 minutes. Je prends Angelo dans mes bras immédiatement. Il est trempé, il est tout tremblant, les yeux perdus dans le vide. Il pleure faiblement, gémit, il n’a plus la force de hurler. Je pleure, Gérald aussi. Je le serre fort contre mon corps. Gérald nous prend dans ses bras, nous enveloppe. Je ne dis rien, je ne peux rien dire. On se regarde avec Gérald, les yeux rouges de larmes, de douleur, de colère, de confusion, d'incompréhension. Je sens son tout petit corps contre le mien trempé et tremblant.
Alors je regrette. Après coup, je regrette, car pendant, la confusion était à son comble, la sidération aussi. Je regrette…de ne pas avoir su ce que représentait cet examen, la douleur extrême que ça engendrait, de ne pas avoir été bien informé par le personnel soignant…et surtout, je regrette de ne pas avoir su arrêter cet examen et demandé un anesthésiant plus fort pour mon fils. Je regrette d’avoir laissé les soignants faire, je regrette de ne pas avoir su m’interposer, taper du poings, exiger ce qui me semblait nécessaire pour amenuiser sa souffrance. Mais comment faire quand on est entouré de professionnels habitués à ce genre d'examen et qui ne semblent pas surpris et dérangés par les réactions d'Angelo ? Comment faire quand les soignants nous font tout le temps comprendre que le bébé en fait toujours "trop" ? Comment avoir confiance en mon ressenti quand je vois des êtres humains en face de moi qui ne réagissent pas comme moi ? Comment faire quand on nous fait comprendre sans cesse à l'hôpital qu'on est trop sensible, que c’est uniquement parce qu’on le contraint physiquement qu’il pleure, que c'est à cause de notre stress qu'Angelo est stressé ? Comment faire quand on nous rétorque que de toute façon, il ne se souviendra pas, il aura tout oublié demain ? Comment arriver à se positionner face à eux qui sont en force, savent argumenter leurs gestes et nous faire peur si l’on refuse ce qu’il veulent ? Comment faire quand ils nous font culpabiliser dès qu'on s'opposent à eux ? Comment faire face à des soignants qui n'ont pas le temps, qui ne peuvent pas changer leur programme au dernier moment parce qu'ils enchaînent les patients?
Hier, j'ai parlé avec une amie qui a elle-même déjà subit une ponction de la moelle et elle m'a dit : « comment peut-on faire subir cet examen à un bébé ? la douleur est atroce. Comment peut-on lui faire subir ça sans un anesthésiant de choc ? ». Quand elle m’a confié cela, je m’en suis voulu de ne pas m’être renseigné davantage avant cet examen. L’hématologue nous ayant dit qu’il serait anesthésié et qu'ils faisaient ça tous les jours, que ce n'était pas bien méchant, je ne me suis pas inquiété outre mesure.
Quelle douleur atroce de voir son enfant souffrir par les actes de quelqu'un sur lui, de consentir à cela tout en ayant envie à chaque seconde d'arrêter cette "torture". Contradiction intérieure qui immobilise. Je me sens complice d'un bourreau. Mais d'un gentil bourreau. C'est complètement "psychosant", une double contrainte devant laquelle il est impossible de se positionner. Voilà pourquoi c'était tellement difficile de réagir et faire un choix au coeur de la situation. Un soignant qui est autorisé, pour un soin ou un examen, de faire souffrir atrocement un bébé sans chercher à optimiser les moyens anesthésiants pour être sûr qu'il ne va pas souffrir. N'est-ce pas quand même à la limite de la mal-traitance ? Pour le bébé mais aussi pour ses parents ?
Cinq minutes passent après la ponction, pas plus. ça enchaîne, pas le temps de respirer. Le Docteur C., gastro-entérologue débarque dans la chambre, énervée. Angelo continue de gémir contre moi, toujours en sueur, tremblant. Je sens son petit corps très faible, complètement choqué. Avec Gérald, nous avons les yeux rouges de larmes.
Immédiatement, Docteur C. nous dit que sa collègue de Paris l’a appelée à notre sujet. Nous avions en effet pris des renseignements auprès de plusieurs spécialistes au sujet des troubles de l’oralité et des possibilités de sevrage. Sans que nous ayons le temps de dire quoi que ce soit, Docteur C. nous balance, énervée, qu’elle est la meilleure en matière d'oralité et de sevrage, que ça ne sert à rien d’appeler d’autres spécialistes, qu’elle peut nous montrer son CV et les articles qu’elle a écrit sur le sujet. Visiblement, elle n'a aucune empathie, aucune conscience et sensibilité de l'état dans lequel nous sommes suite à la ponction que vient de subir Angelo. Même pas un "ça va?", un geste affectueux envers Angelo qui est dans un état lamentable.
Nous lui rétorquons qu’on a le droit de demander l’avis à d’autres car nous avons besoin d'aide, d'accompagnement pour qu'Angelo apprenne à manger et qu'il puisse être libéré de la sonde naso-gastrique. Le quotidien d'Angelo (et le notre par conséquent) est un véritable cauchemar. Ce n'est plus possible de continuer comme cela. Absolument personne ne nous accompagne au quotidien. Nous avons aucun répit, aucune aide, aucun accompagnement pour aider Angelo à manger. On nous avait dit que c'était temporaire. ça fait déjà 4 mois. Nous lui disons qu'elle ne nous aide en rien à part de dire de continuer à le nourrir par la sonde et de le peser à chaque consultation.
Elle s’énerve, nous dit qu’elle nous accorde beaucoup de temps, toutes les 6 semaines et que si on a pas confiance en elle, ça ne sert à rien de continuer. Le ton monte. Angelo vient de subir l’atroce ponction lombaire et elle nous balance tout son orgueil et nous menace de nous abandonner, simplement parce qu'on lui exprime notre besoin d'aide concrète dans le quotidien. Nous sommes sidérés. Ça nous met hors de nous. Angelo se remet à pleurer. Je tente de le calmer alors que Gérald hausse le ton. Elle nous dit qu’Angelo est incompétent sur le plan oral et que c’est impossible d’entamer un sevrage car il n’a pas encore assez grossit. Incompétent ? Ce mot nous met hors de nous à force de l’entendre dans la bouche des médecins.
Non ! Angelo n’est pas incompétent ! On lui montre une vidéo où Angelo mange du yaourt dans un bol qu’on lui verse dans la bouche et qu’il prend à pleine main car il en veut encore. Nous lui prouvons par l’image qu’Angelo est capable de manger et qu’il est complètement compétent. Elle finit par admettre que cette vidéo montre qu'Angelo a sûrement la capacité de manger par la bouche et accepte qu’on commence un sevrage mais vraiment très doucement.
Elle veut ausculter Angelo. Moi, je ne veux pas le lâcher, hors de question de le reposer dans ce satané lit à barreaux. Elle l'ausculte dans mes bras très rapidement. Puis se réfugie dans son carnet de santé pour voir ses courbes de poids et taille et noter ses observations. Angelo est encore en sous-nutrition malgré l'alimentation par sonde naso-gastrique. Sa croissance est laborieuse en effet car il vomit 1 à 3 fois par jour.
Nous lui demandons ce qu’elle pense du sevrage proposé par la méthode notube des Autrichiens. Elle nous dit que c’est une catastrophe, que les enfants sevrés par eux ne savent que manger des mousses au chocolat et que c'est un sevrage trop rapide et trop risqué. Je sais qu’elle se base sur un témoignage d’une maman publié sur internet car j’ai lu ça aussi. Mais nous, nous lisons aussi pleins de témoignages encourageants concernant cette méthode. Docteur C. est complètement contre. Nous lui disons que nous la tiendrons informé de ce que nous ferons. L’échange avec elle ne nous donne aucunement confiance. Elle semble uniquement voir Angelo comme incompétent, nous balance son orgueil en pleine figure, n'accepte pas que nous remettions en question sa façon de faire. Elle repart, on se tient au courant par mail.
Nous ne pouvons toujours pas donner ni à boire ni à manger à Angelo. Après ce qu'il vient de subir, la moindre des choses serait de l'hydrater. Il est tout faible. Il n’a pas de sonde naso-gastrique dans le nez donc même si nous voulions lui donner quelque chose, nous ne pourrions pas. Nous le signalons à une infirmière qui nous rétorque que c'est impossible de lui donner quoi que ce soit de toute façon car il va avoir l'échographie.
15h30 : Echographie. Nous descendons dans les couloirs. Je garde Angelo dans mes bras, je ne veux pas le quitter, il a besoin plus que jamais de sécurité. Nous attendons dans un couloir pleins de courants d'air. Puis l'échographe nous reçoit, nous demande pourquoi on est là. On se demande pourquoi les médecins ne se font pas passer les infos concernant les patients. L'échographe est gentil, fait des blagues et n'est pas plus attentif à Angelo que les autres, il le traite comme une machine aussi. Son humour m'est insupportable car je suis à mille lieus d'avoir envie de plaisanter. J'ai juste envie qu'on en finisse. Tout est parfait concernant ses organes et par rapport aux anomalies qu'ils cherchaient. Ouf !
16h : Réintroduction de la sonde naso-gastrique. Retour à la chambre. C'est le moment enfin de mettre une nouvelle sonde naso-gastrique à Angelo pour pouvoir l'hydrater et le nourrir. Nous savons que ça va être encore un moment difficile pour Angelo.
L’infirmière prend la sonde et sans prévenir, la met rapidement dans la bouche d’Angelo pour l’humidifier avant de l’introduire dans le nez d’Angelo. Je suis outrée par ce que je viens de voir. Depuis des mois, nous travaillons à ce qu’Angelo ne soit pas « agressé » au niveau de sa bouche, nous travaillons à ce que sa bouche soit un lieu de plaisir et non pas de déplaisir, d’agression, d’intrusion sans prévenir. Des mois de travail avec l'aide d'une orthophoniste pour qu'on puisse toucher la lèvre d'Angelo sans qu'il ait un réflexe nauséeux voir vomisse. Et là, une infirmière, qui a sous ses yeux un bébé avec des troubles de l’oralité, se permet, sans le prévenir et sans nous demander notre autorisation, de se servir de sa bouche pour humidifier la sonde en plastique alors qu’il existe des gel lubrifiants pour cela. Elle fait ça machinalement, ne prévient pas Angelo et ne lui parle même pas (comme tous les soignants) et ne réfléchit aucunement aux conséquences de son geste sur un bébé qui a été traumatisé par des centaines d'intrusions dans sa bouche et qui, par conséquent, peine grandement à accepter une cuillère, une tétine (ou autre objet sensé être de plaisir) dans sa bouche.
Et puis, comme d’habitude, c’est un moment angoissant pour Angelo puisqu’il étouffe lorsque la sonde passe dans sa gorge. Il faut à nouveau le contenir fermement. Mais il a beaucoup moins de force que d’habitude pour se débattre. Pas par habitude mais par épuisement suite à ce qu’il a vécu. Je le sens dans son corps qui est tout mou, ne se débat plus. Il n’a pas réussit à dormir de la journée, n’arrivant pas à « lâcher » . Il n’a pas reçu d’eau ni à manger de la journée. Après, les médecins se plaignent qu’il maigrit. Mais à chaque fois qu’on passe une journée comme celle-ci à l’hôpital pour des examens et des soins, Angelo est mal alimenté car pas le temps (puisqu'il nous faut entre 1h et 2h pour l'alimenter) et vomit beaucoup les jours qui suivent et donc perd du poids. Ils ne nous aident absolument pas. A chaque passage entre les mains des médecins, Angelo maigrit et met plusieurs jours à s'en remettre.
Ma question est : ne pas nourrir et ne pas hydrater un bébé pendant 10h alors qu'il n'y a pas de nécessité "vitale" de faire cela, n'appelons-nous pas ça de la maltraitance ? Nous avons eu beau rappeler plusieurs fois dans la journée aux soignants qu'Angelo avait besoin d'être hydraté, aucun d'entre eux n'a voulu céder. Juste parce qu'il fallait attendre l'échographie (au passage non essentiel au diagnostic). A chacune de notre demande, le soignant fuyait tout simplement et ne revenait pas pour répondre à notre demande. Nous étions coincés car Angelo ne sachant pas boire ni se nourrir par la bouche et n'ayant pas de sonde naso-gastrique depuis le matin, nous ne pouvions pas du tout l'hydrater.
16h15 : Alors avant de partir, nous lui donnons de l’eau et du lait par la sonde. Pas une grosse quantité car il est fatigué et quand il est fatigué, vomit facilement. Donc nous y allons doucement. Juste ce qu'il faut pour qu'il soit bien hydraté et redonner à son corps de l'énergie.
17h : nous repartons et rentrons chez nous. 3h de route. Pas un seul mot. Angelo ne dit rien et finit par s’endormir au bout d'une demi-heure mais il est mal installé dans son siège qui lui provoque à chaque fois des étouffements qui le réveillent. Il dort que 20 minutes. Avec Gérald, nous ne dirons rien de tout le trajet. Le regard dans le vide, une tristesse abyssale dans le coeur. Je ne sais pas comment Gérald a fait pour conduire et nous ramener à la maison.
Pendant plusieurs jours, Angelo a eu des nuits très agitées et a vomit pratiquement toutes ses alimentations, ce qui lui a valu un amaigrissement et un baisse d'énergie considérable. Et moi, j'ai fait des cauchemars à n'en plus finir et j'ai pleuré pleuré pleuré ... lorsque c'était possible ... c'est-à-dire toutes les nuits ... à n'en plus finir !
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