
Ce dernier mois a été chargé à bloc en plus de l’adaptation au nouveau mode d’alimentation d’Angelo.
Une journée éreintante à Toulouse dans une clinique ophtalmologique pédiatrique, un passage aux urgences absolument désastreux, visite de suivi à Bordeaux, cette fois-ci plus douce que d’habitude…ouf !!! … puis des tonnes de rendez-vous avec travailleurs sociaux, TISF, aide-soignante, kiné, Psychomot, prestataire de santé, psy, opticien, Camsp, Sessad etc.…du temps de ré-adaptation chez la nounou, une tonne de démarches à faire pour trouver des aides, pour qu’Angelo puisse être à nouveau gardé chez la nounou, pour trouver les bonnes personnes pour accompagner et prendre en charge à tous les niveaux Angelo. Quel marathon !
Cette semaine, tout le monde est en vacances. Ouf ! Ça va nous faire une pause. Ce que je croyais. Hier soir, grâce à ma Maman qui connaît maintenant tout pour s’occuper d’Angelo, nous avions programmé une sortie en amoureux avec Gérald (depuis qu'Angelo est né, nous n'avons fait que 2 sorties rien que tous les deux). Mais non. Annulée ! Car Angelo est malade. Histoire de bien commencer cette semaine de pause. Comment dire ce que je ressens ? ma seule envie : me barrer, disparaître de la circulation, faire un reset ou alors crier : « p*, laissez moi tranquille, occupez vous d’Angelo, je vous le laisse … moi, j’arrête là ! Je suis game over ! ».
Pourtant, depuis une semaine, il y avait de nettes améliorations pour Angelo : la cicatrisation se passe plutôt bien…même si depuis 2 jours quelque chose nous inquiète. A surveiller. Nous trouvions qu’il avait plus d’énergie. Même s’il ne se déplace toujours pas, il prend de l'aisance dans ses gestes et appuis, il joue plus, chante, s’intéresse, rigole, expérimente pleins de choses avec ses jeux depuis sa position assise ou allongée. Et puis il a grossit et grandit … nous ne sommes pas loin de trouver le bon équilibre d’alimentation par la gastrostomie. Il continue de manger un peu par la bouche. Dernièrement, il a goûté au jambon et a aimé. Victoire ! Il a joué avec des fraises et a explosé de rire lorsqu’on a mis de la crème chantilly dessus et a goûté une cuillère. Hourraa ! Et puis tout nouveau : Angelo a maintenant des lunettes. Prions pour que l’ophtalmo ait trouvé la bonne correction pour que ça l’aide aussi dans son développement. En tout cas, il les accepte bien et nous sommes évidemment complètement gaga tellement il est beau. Mais aussi un truc de plus à gérer.
Bon, mais cette nuit, mon regard est porté sur le fait qu’il tousse, qu'il a de la fièvre, vomit, gémit et dort très peu. Je prie pour que ça ne tourne pas mal comme d’autres fois. Je prie pour que son corps se défende bien et qu’il n’ait pas besoin d’injections ou d’être hospitalisé.
C’est clair qu’une situation comme celle qu’on vit depuis la naissance d'Angelo, ça passe ou ça casse. Déjà avoir un enfant en bonne santé, ça chamboule tout. Alors là, je peux vous dire que ça déracine absolument tout. Je comprends ceux qui se barrent, ceux qui abandonnent, ceux qu’on traite de lâche…je les comprends tellement. Et parfois je me demande s’ils n’ont pas raison. Je me dis que c’est tout simplement un instinct de survie. Car réellement, on doit trop souvent supporter l’insupportable !
Il ne faut pas être seul pour traverser cela. D’ailleurs même en situation normale, tout parent ne devrait pas être seul. Il faut être accompagné, entouré, choyé, encouragé, écouté, soutenu, regardé, aimé, soigné. Il faut être épaulé, relayé, secondé. Car le handicap, la maladie de son enfant, ça détruit tout sur son passage : la vie sociale, professionnelle, de couple, familiale, financière, ça atteint l’estime de soi d’une force phénoménale, ça vient dévaster l’intime, ça attaque les racines même de notre personnalité, de notre ancrage, de notre vision de la vie, de nos croyances, de nos rêves, de tous nos projets. On se sent nul à tous les niveaux car tout semble être un perpétuel échec, car tout est mission impossible, sans cesse, car tout est compliqué, anxiogène, tout est deuil… car ce sont des injections de stress à haute dose tellement souvent que même les injections de bonheur ne sont pas suffisantes pour recharger les batteries, car malgré l’énergie phénoménale que nous déployons, ce n’est pas pour ça que notre enfant est guérit ou qu’il fait des progrès, car même faire quelque chose pour soi est impossible à réaliser car trop peu de temps et trop peu d’énergie. Tout nous flanque à terre sans cesse. Comme un monstre qui vous assomme au moindre redressement de tête. Tout est injuste. Tout est foutu pour toujours. Plus rien ne semble possible et réalisable.
Même si Angelo me fait rire, m’attendrit et me ravit le coeur … et que grâce à ça, je continue d’agir, de fonctionner, d’avancer … parce qu’il a besoin de nous…parce qu'il est tellement attachant... même si vous me voyez souriante, même si vous me voyez active et « forte » comme certains me disent … je suis loin de me sentir comme ça. Lorsque vous me croisez, je viens sûrement de verser toutes les larmes de mon corps dans la voiture ou de gueuler de toute mes forces au bord d’une route… les moindres moments où je suis seule, je décharge le trop plein, le trop-de-stress, le trop-de-douleur, le trop vide d’espoir, le trop d’incertitude, le trop d’injustice, le trop de culpabilité, d’incompréhension, le trop de fatigue …. mon dieu que je suis éreintée ... mon corps est tout le temps douloureux tellement je n'en peux plus ...
Heureusement, au milieu de ce que nous vivons, nous avons une chance inouïe de recevoir de l'aide....et je crois vraiment que c'est grâce aussi à ça que nous tenons. De l'aide de ma Maman qui est hyper présente au quotidien, nous soutient, supporte tous nos états d’âme et qui, peu à peu, apprends avec patience à s’occuper d’Angelo qui est un petit bonhomme avec son fonctionnement très singulier et du maniement de la machine, de la sonde et du bouton de gastrostomie. De mon Papa, de beaucoup d’amis qui nous préparent des repas délicieux, nous font des courses ou nous filent des coup de main au jardin, à la maison ou autre. De psy, masseuse, hypno, aidants, soignants, énergéticiens qui nous accompagnent et prennent soin de nous. De vous, immense communauté qui prie pour Angelo, nous encourage, nous soutient, chacun à sa manière. De certains aussi qui nous aident financièrement.


Nous avons la chance qu’avec Gérald nous nous serions les coudes et qu’aucun des deux abandonnions malgré l’envie fréquente de fuir parce que tout simplement, supporter l’insupportable devient parfois intolérable et parce que nous aurions besoin de répit, de repos, de se retrouver soi pour recoller les morceaux et prendre le temps de digérer. Et nous avons la chance de vivre dans un pays où beaucoup d’aides financières, humaines et de soin existent même si elles ne couvrent pas tout et même si le chemin pour y accéder est un p* de parcours du combattant . Il nous faut trouver les bonnes personnes pour nous accompagner dans le dédale des démarches administratives et médicales. Rien n’est simple, rien n’est jamais acquis, il faut toujours relancer, téléphoner, réclamer, vérifier, attendre, se renseigner, faire répéter, expliquer, ne pas zapper les dates limites, passer des heures à préparer des dossiers, des papiers, des lettres, des temps d’attente interminables au téléphone… avec en retour beaucoup de refus, d’oublis, de pertes, de renvoie vers d’autres interlocuteurs, de non connaissance, d’incompréhension …il faut alors recommencer, répéter encore et encore, s’énerver parfois, faire recours etc.… et donc avoir beaucoup beaucoup de patience et beaucoup de temps, d'énergie brûlée !!!


Bref, même avec de l’aide, même en faisant équipe, même avec notre petit capitaine fort attachant, qu’est-ce que c’est rude de vivre tout ça.! Je n’imagine même pas ceux qui sont seuls. Je n’imagine même pas ceux qui vivent des situations bien pires que la nôtre. Je n'imagine même pas ceux qui ont des petits violents. Je n'imagine même pas ceux qui n'arrivent pas au bout des démarches administratives et donc qui n'accèdent à aucunes aides. On nous parle de deuil à faire, de résilience, qu’après on remerciera la vie de tout ça … mouais, pour le moment, je ne ressens pas ça du tout… "f*ck la résilience" comme dit une amie ... je souffre, nous souffrons de tout ce qu'on vit et qu'une seule chose à faire : traverser la tempête, comme on peut, avec les moyen du bord ... et pas chercher à devenir des héros, à faire quelque chose de magnifique de tout ça...sinon, c'est se mettre une pression supplémentaire. Car c'est pas magnifique, c'est un sacré merdier et un point c'est tout ! Gérer des tonnes de problèmes pour son petit, avoir l'incertitude de sa survie par moments, l'incertitude d'une évolution positive, même pas savoir s'il arrivera à marcher un jour, à parler, à avoir un jour des copains et plus tard une relation amoureuse...c'est juste la merde. Nourrir son petit par gastrostomie, c'est laborieux, c'est pas gratifiant, c'est se prendre des vomis dans la gueule, c'est interdire à son petit de bouger, c'est anxiogène, c'est avoir peur de lui faire mal, c'est tout le temps être en vigilance, c'est pas naturel, c'est la merde ! Se laver les mains 100 fois par jour, avoir peur de voir du monde de peur qu'il choppe les virus des autres, être en stress que ça dégènère dès qu'il tombe malade ou au moindre signe d'infection etc... c'est la merde ! Je ne vous liste pas tout de ce qu'il est la merde car ça serait un message infini !!! Alors arrêtons de vouloir magnifier la réalité, de dire que grâce à ça, nous allons grandir ... qu'Angelo est un maître ou d'autres foutaises comme ça…arrêtons de croire que c'est grâce aux difficultés de la vie que nous devenons des êtres exceptionnels….non… c’est juste une situation de vie qui nous met la tête sou l’eau, qui éteint la joie, qui abîme l’âme, le coeur et le corps, un point c’est tout !
J’ai uniquement envie de remercier tous ceux qui nous aident...de remercier Gérald, de remercier Angelo d'être si beau. Mais je me sens écrasée par le poids immense de la destinée d’Angelo. Ce qu'il vit est extrêmement éprouvant pour un petit bonhomme comme lui. Et il s’en sort avec le sourire. Quel capitaine ! D’avoir entre les mains la responsabilité de cette petite vie chahutée et différente est tellement lourde à porter.

Je me rend à l’évidence aujourd’hui, nous n’y arriverons pas seuls. Une communauté d’aide est en train de se mettre en place autour de nous … c’est bon, c’est doux, c’est précieux, c’est bourré d’amour ! Mais que c’est dur de demander de l’aide, que c’est dur d’être « dépendant » des autres ! Même quand on nous le propose, que c’est difficile de recevoir, d’accepter! Ça aussi c’est un apprentissage pour nous. D’accepter sans se sentir redevable. De se sentir légitimes de recevoir de l’aide et de l’amour… Il nous faut aussi expliquer, décrire, détailler. C’est le travail que nous faisons aussi avec les travailleurs sociaux, médecins, soignants etc. C’est énormément d’énergie, c’est répéter beaucoup, c’est clarifier pour bien se faire comprendre, c’est défaire les croyances, les a priori, c’est tout reprendre à zéro sans cesse, c’est recadrer les curieux « déplacés », c’est recadrer les insensibles, c’est être confronté à des remarques ou conseils inappropriés … c’est remuer souvent le couteau dans la plaie.
Alors merci merci merci aux amis, à la famille et aux aidants qui nous soutiennent. Vous êtes merveilleux ! Merci pour tout votre amour à tous. Et merci à ceux qui nous soutiendront tout au long de la vie d’Angelo….merci à ceux qui s’occupent déjà et s’occuperont d’Angelo avec dévouement, patience et amour…il le mérite tellement… petit capitaine qui traverse des tempêtes tellement éprouvantes… petit être qui a, dès le début, beaucoup moins de chances que les autres de « bien vivre » et de « réussir » … petit bonhomme au coeur tellement tendre et pur…il le mérite tellement ! Oh oui! Il le mérite tellement ! ❤️
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