Deux mois à la maison : le combat continue

Publié le 6 décembre 2021 à 21:04

Suite à l'hospitalisation en néonatalogie, nous sommes rentrés le 13 octobre à la maison. Je m'attendais à un apaisement, plus de facilités. Ce ne fut pas le cas. Ce qui m'apaisait tout de même, c'est qu'Angelo buvait plutôt bien au biberon malgré cette position étrange allongé sur le dos, tête vers la droite.

Il se réveillait un peu plus de lui-même la nuit pour téter et puis, nous étions chez nous, à notre rythme, avec nos animaux, au calme, sans être dérangés sans arrêt. Un diagnostic avait été posé pour Angelo : la laryngo-malacie et le RGO (reflux avec inflammation du larynx), ce qui avait le mérite de nous donner des réponses sur comment aider Angelo, d’avoir un traitement pour lui (à condition qu’on arrive à donner le traitement à Angelo, ce qui restait très compliqué). Nous savions que les tétées allaient continuer d’être difficiles pour quelques mois mais que soit ça allait rentrer dans l’ordre avec le temps, soit une opération pouvait améliorer les choses pour Angelo si la prise du biberon continuait d’être trop laborieuse et que son poids en patissait .

 

Aujourd’hui, un mois et demi se sont écoulés. La maison est en chantier car nous avions commencé un agrandissement de la maison durant ma grossesse. Nous vivons dans la chambre, dans 15m2, il fait très froid dehors et par conséquent, il fait 10° dans la maison. Nous chauffons uniquement la chambre et la salle de bain mais il y a pas mal de courants d’air. Pas du tout l'idéal pour un nouveau-né et sa maman qui a toujours les seins à l'air pour tirer son lait.

Gérald s’active à fond pour avancer au plus vite les travaux mais il a tellement d’autres choses à gérer et il est tellement fatigué des nuits hachurées et du stress concernant Angelo. En plus des travaux, il a son travail, gère toute l’intendance, les repas, s’occupe des animaux et me relaye auprès d’Angelo très régulièrement car je suis souvent alitée, parce que je dois tirer mon lait, parce que parfois je suis à bout.

Heureusement, mes parents sont très présents. Ma Maman m’aide auprès d’Angelo ou pour préparer les repas, mon Papa aux travaux avec Gérald. Notre amie Céline, nommée Tatie Cécé, vient le plus souvent possible de Bordeaux pour venir nous filer un coup de main, s’occuper d’Angelo, de l’intendance, des animaux ou de moi. Quelques amis nous préparent aussi de temps à autre des repas. Ces aides sont plus que précieuses et malgré cela, la fatigue est énorme, le rythme très soutenu, Gérald peine à avancer le chantier au milieu de ce chaos, les inquiétudes concernant Angelo sont nombreuses. Comme dit ma Maman, il faudrait tout un village pour s'occuper d'Angelo et nous aider. Nous ne sommes pas de trop lorsqu'ils sont là. 

Angelo passe des nuits très agitées, il pleure parfois pendant plusieurs heures. Une puéricultrice de néonat’ nous avait expliqué que les nouveaux-nés, une fois rentrés à la maison suite à une hospitalisation, peuvent avoir un besoin énorme d’évacuer le stress accumulé par des crises de pleurs. Nous comprenons qu’il faut l’accompagner là-dedans mais c’est rude à vivre. En plus de ces heures qu'on passe à le bercer, le soutenir pour ne pas qu'il se fasse mal, où on se balade dans la chambre en chantant, nous avons le piano qui apaise souvent Angelo. Le piano est notre allié. Gérald peine à se lever le matin et à avancer dans les travaux suite à toutes ces nuits chahutées en plus de tout ce qu'il a à gérer.

 

Les prises de biberon sont extrêmement longues pour Angelo car il fatigue vite, s'endort au biberon. Il nous faut tout noter ce qu'il boit, le peser tous les 3 jours. Le lait a du mal à passer, il s'étouffe, avale de travers et vomit. Il a besoin de boire par petites quantités et il y passe à chaque fois 1h-1h30 entrecoupée de pleins de petites pauses où il s'endort. On y passe un temps fou. Et puis impossible de le prendre dans mes bras pour le biberon, il n'y arrive qu'allongé, la tête vers la droite, le regard dans le vide. C’est frustrant. Ce n’est pas un moment tendre. Il semble ne pas avoir faim, pas du tout intéressé par le biberon, ni même une tétine. J’essaye parfois de le remettre au sein mais j’abandonne vite car sa bouche posée sur mon sein ne s’anime aucunement. Je suis désemparée.

Heureusement, il y a tous ces temps de bercement pour qu'il s'endorme, il y a tous ces temps de chants, de câlins qui me font fondre d'amour. Au vu de tout ce qu’il a vécu, je lui donne le maximum de chaleur, de câlins, d’amour que je peux. C’est mon objectif premier. Je rattrape ce que je n’ai pas pu lui donner en néonatalogie. Ce que j’aime le plus, c’est le moment où je le prends dans mes bras, contre moi alors qu’il pleure et qu’il niche son petit nez dans mon cou en faisant un petit soupir de soulagement puis s’abandonne. Quel bonheur de sentir son petit corps s’abandonner ainsi et relâcher toutes tensions dans mon cou. Même s’il ne me regarde pas et que le lien n'est pas facile à tisser avec lui après tout ce qui s'est passé, son corps me dit à ce moment là qu’il est en confiance, qu’il peut s’abandonner et ça, c’est tout l’or du monde.

Mais ces instants, il faut les saisir car ils sont rares dans un quotidien très rempli par les tétées très longues, les soins normaux à un bébé, les vomissements et aussi parce que je dois tirer mon lait toutes les 3h. Angelo ne prenant pas mon sein, il boit au biberon et je veux qu’il puisse avoir mon lait. Tirer mon lait, c’est long, fastidieux, douloureux. Je n’arrive même pas à sortir de la maison avec Angelo tellement tout ça est chronophage. Je me retrouve régulièrement aux urgences pour mastites et mycose aux seins. Une douleur comme jamais j'ai vécu, comme si on m'enfonçait des couteaux et des aiguilles dans les seins, une fièvre à plus de 40-41 qui monte soudainement, mon corps envahit de spasmes et de tremblements violents, je gémis de douleurs. Je suis souvent alitée, ne peux absolument pas m'occuper d'Angelo, le prendre dans mes bras sous peine de douleurs atroces. Heureusement, Gérald prend le relais dès qu'il peut, ma Maman et Tatie Cécé aussi quand elles sont là. Mais il fait froid dans la maison, avec mes fièvres et mes glaçons, feuilles de choux et compagnie sur les seins j’ai encore plus froid. Et puis l’extrême fatigue, le chantier qui peine à avancer (même si je trouve Gérald remarquable car il ne lâche rien et travaille même en ayant dormi que 2h), les inquiétudes concernant le poids et les tétées pour Angelo, absolument rien ne facilite la situation.

 

 J'aimerais arrêter de tirer mon lait pour avoir plus de temps mais impossible, mes seins sont en sur-production. Je me sens prisonnière de mon propre corps. Pas le choix, je dois continuer. Ma Maman qui était sage-femme me coach pour arriver à soigner mes seins et à arrêter la lactation. Au jour où j'écris, je n’y suis toujours pas arrivé. Comment faire ? Elle me conseille le jus de persil. Après l’homéopathie, l’essai de sauter des tirages ou de diminuer des tirages qui m’ont valu des mastites, des alternances de chaud-froid sur les seins, je n’ai plus que cette solution. Gérald est sur tous les fronts en même temps. Je l’admire et en même temps, on se dispute beaucoup car nous sommes à bout tous les deux.

Pour Angelo, nous nous démenons dans tous les sens pour trouver de l’aide. Sa succion est très anarchique, c’est un bébé très fatigable, il a accumulé beaucoup de tensions. Alors nous allons voir une fasciathérapeute, un ostéopathe, une conseillère en lactation, des pédiatres, un magnétiseur etc. Les sorties pour rendez-vous sont une vraie épopée car lui donner le biberon dans la voiture ou dans une salle d’attente en l’allongeant sur le dos, c’est mission impossible. Parce qu’il vomit très facilement. Parce qu’il fatigue très vite et qu’un simple rendez-vous l’épuise tellement qu’il n’arrive pas du tout à téter le biberon suivant, car il ne supporte pas que ces professionnels le touche. Je n'ai qu'une seule envie, arrêter toutes ces tentatives de l'aider car ça ne fait que le fatiguer, l'énerver et le problème s'aggrave avec le temps.

 

Et puis depuis mi-novembre, Angelo refuse le biberon et diminue considérablement les quantités qu'il boit. Plus le temps avance, plus ça s'aggrave et le poids chute. Nous sommes de plus en plus inquiets, chaque tétée est une angoisse. Tout le monde s’y met.  Nous essayons de contacter la pédiatre mais elle est absente. J’appelle la conseillère en lactation mais elle ne sait pas quoi faire pour nous, on a déjà tout essayer.

Angelo est de plus en plus apathique, dort de plus en plus et depuis quelques jours, les pipis se font rares. Nous sommes très inquiets. A chaque biberon qu’Angelo refuse, je pleure de désespoir. Nous lui mettons parfois de force la tétine dans la bouche et alors il se met à boire un peu mais tellement peu. Je n’aime pas faire cela mais je ne peux pas laisser mon bébé ne pas se nourrir. Même en attendant une journée entière sans se nourrir, il continue de refuser le biberon. La seule solution que nous avons, c’est de se rendre aux urgences mais nous savons ce que ça veut dire. Angelo ne prend pas de poids et même en perd, ne fait pas pipi, ça va être directement hospitalisation et sonde naso-gastrique.

Au moment de prendre la décision, Angelo dort, je le regarde. Céline est là. Je la questionne de mon regard. Elle me regarde, désolée. Je fond en larme. Je lui dis que ce n’est pas possible, je lui demande ce que je fais de mal. Je me sens tellement une mauvaise mère. La pire des mères car je n’arrive pas à nourrir mon enfant.

Elle me dit alors qu’on est de super parents mais qu’apparemment, il y a des choses que nous ne pouvons pas maîtriser et que ce n’est pas de notre faute, que peut-être les professionnels pourront nous aider. 

Elle a sûrement raison. Je culpabilise tellement. J’essaye de contrôler mes angoisses, ma tristesse, mes inquiétudes, mon stress mais comment faire ? Je n’y arrive pas. Je n’arrive pas à voir mon bébé ne pas se nourrir et rester insensible. Impossible. Je ne peux pas aussi continuer de le laisser maigrir, boire si peu, perdre des forces. La présence de Céline est si douce et soutenante.

Direction les urgences pédiatrique le 7 décembre 2021.

 

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