
Angelo vient d’avoir 3 ans. Whaou ! Trois années complètement folles. J’ai la sensation que 20 ans sont passés tellement les choses se sont enchaînées sans répit, tellement mon corps a encaissé chocs et stress, tellement mon coeur a été fou de rage ou de désespoir comme fou d’amour, tellement nous avons dû apprendre, tenté de techniques pour aider Angelo, tellement nous avons fait de recherches, de dossiers, de démarches,
tellement nous avons dû taper du poing, relancer encore et encore, attendre attendre attendre, répéter encore et encore, protéger Angelo en même temps que s’en remettre au corps médical, tellement nous avons dû appeler au secours,
tellement nous avons sauté de joie au moindre petit progrès, tellement Angelo a pleuré de douleurs et de peurs, tellement d’épreuves il a surmonté à son jeune âge, tellement il a été fort et surprenant de ressources et de créativité, tellement nous avons fait d’allers et retours à l’hôpital, tellement nous avons eu de rendez-vous médicaux et paramédicaux,
tellement nous avons déployé de patience, d’amour, de force, d’énergie, de douceur, de folie, d’enthousiasme, d’entrain et de créativité pour soigner, accompagner et encourager Angelo, tellement nous l’avons aimé, tellement il a été étincelant de beauté au milieu de tout ce chaos, tellement il nous a fait confiance.

Whaou ! Angelo, 3 ans. Un petit bonhomme merveilleux. Mon dieu ! Je n’en reviens pas. Après tout ce qu’il a traversé, avec la maladie qui lui met des tonnes de bâtons dans les roues…quelle force, quelle résilience ce petit être ! Il est si rayonnant, si pétillant…il a fait des progrès considérables ces derniers mois. Bien sûr, si on compare par rapport aux autres enfants, c’est très lent et laborieux mais au vu de tout ce qu’il a vécu ses trois premières années et de ce que sa maladie entrave dans tout les fonctionnements de son organisme, c’est extraordinaire ! C’est un miracle ! Angelo est un miracle !


Aujourd’hui, quand je regarde mon petit bonhomme, il est si surprenant et déroutant. Si honnête. Parce qu’il va à son rythme, il ne se préoccupe pas d’être plus que ce qu’il est, il ne cherche pas à nous sourire pour nous faire plaisir. S’il sourit, c’est un cadeau venant du coeur, d’une fraîcheur inattendue…il est juste lui, tel quel. Et puis, il parle avec tout son corps, il joue comme il en a envie, loin du conventionnel ou de ce qu’on aimerait qu’il arrive à faire. Il regarde et écoute la musique du monde dans tous ses détails, il trouve mille et une manière d’entrer en transe, d’entrer dans une présence infinie aux éléments, à la vie qui l’entoure. Il regarde les gens d’une manière inattendue, il les regarde à côté ou « de travers ». Pas de travers comme vous l’entendez mais juste il nous regarde comme si nous étions à côté de nous-même….étrange !
Il regarde aussi parfois dans les airs et rit aux éclats … des anges semblent venir le chatouiller. Il nous parle aussi… non, il ne sait pas parler comme nous et pourtant oh oui, il parle ! A celui qui sait se mettre au diapason avec lui, à celui qui sait écouter ses chants, ses cris, ses rires, à celui qui sait déchiffrer son langage de petit elfe. Ce petit être me surprend jour après jour par sa résilience incroyable, par sa folie douce, sa réjouissance perpétuelle.


Et puis il se met à marcher à grandes enjambées avec notre soutien physique. Une envie de se redresser, d'explorer, d'avancer. Whaouou ! Le miracle se produit sous nos yeux ! Et bientôt, un nouveau miracle naîtra : celui de marcher seul en toute autonomie ... dans un mois ou un an, on ne sait pas mais il est en chemin. C'est un miracle.
Et puis il nous étonne tous les jours, semble comprendre beaucoup plus que ce qu’on imagine…même parfois, je me demande s’il n’habite pas une autre sphère d’intelligence, inaccessible à notre intelligence nommée « normale » ou « supérieure ». Il veut tout découvrir aussi : tous les jeux du monde, tous les ustensiles de cuisine, toutes les portes et tiroirs, tout ce qui bouge, brille, sonne, coule, pétille, tourne, chante, virevolte, tombe, tout ce qui est quadrillé, coloré…dans les moindres détails. Il veut tout éparpiller, il veut que ça danse, que ça tremble, que ça vole, que ça brille, que ça chante, que ça trinque, que ça prenne vie ! Je ne vous dis pas l’état de notre petite maison le soir ! Je ne vous dis pas mon coeur de Maman … un éparpillement de bonheur partout partout !
Il découvre avec tout son corps, d’une façon déroutante, les yeux grands ouverts rivés vers le ciel, son corps en réception, le rire toujours prêt à se déployer. La musique semble prendre forme et couleurs dans les airs. Ou alors le corps se balançant, les doigts tendus comme des antennes, les mains papillons...chaque sensation est un feu d'artifice pour lui.
Et puis quand il a entre ses mains un objet qu’il aime, il a cette habitude de le lever au dessus de sa tête et le montrer au ciel avec un grand sourire et une étincelle de fierté dans ses yeux…comme si chaque objet était très précieux, comme s’il demandait au ciel de le bénir…même sa brosse à dent, même une épluchure de pomme !
Et le must du must, quand il vient nous demander un bisou « lapin » en collant son front à nos lèvres. Un instant de pur bonheur, précieux car rare, qui me remplit d’amour. Il nous fait tellement rire de tendresse et de surprises. Mon dieu quelle richesse ce petit être ! Mon dieu quel miracle ce petit bonhomme ! Chaque jour, j’ai sous mes yeux un miracle !



Malgré les moments pas drôles pour Angelo, malgré ces heures où il doit rester immobile pour recevoir ses alimentations et où nous devons être créatifs pour l’aider à patienter, malgré toutes ces fois où nous devons l’immobiliser de force pour qu’il reçoive ses piqûres, prises de sang, examens ou soins douloureux, malgré la douleur et la peur pour lui dans ces moments, malgré les combats que nous continuons à mener et que nous devrons mener toute la vie pour lui, malgré ce combat épuisant de tous les jours qu’est l’alimentation, malgré toute l’incertitude le concernant, malgré la lenteur de ses acquisitions, malgré toutes les stimulations à lui proposer tous les jours, malgré le manque de son regard et de son affection, malgré les tonnes de démarches à faire pour lui, malgré tout l’enthousiasme et l’énergie que nous devons déployer même quand nous sommes tristes, en rage, en nage ou épuisés, malgré la peur au ventre qu’il choppe des microbes et virus dès qu’on sort et qu’il voit d’autres enfants, malgré cette machine d’alimentation qui nous suit partout et fait ce satané « biiiiiiiiiiiipppp », malgré les piqûres 3 fois par semaine qui ne sont pas rigolotes pour Angelo mais qu’il reçoit courageusement tel un guerrier, malgré les soins du bouton de gastrostomie au moins 6 fois par jour...arrgghhh, j'en peux plus ! Malgré les tonnes de prises en charge médicales et paramédicales qu’il nous faut mettre en place et soutenir tout au long de l’année mais où Angelo s’éclate et progresse comme un chef, malgré tout l’inconfort, tout ce qu’il y a à porter, à supporter, malgré nos vies personnelles et professionnelles à l’arrêt….il est là, Angelo, rayonnant, bel et bien vivant et pétillant de vie … il est un miracle !


Nous avons une chance incroyable d’avoir les médecins qui lui ont sauvé la vie et qui nous accompagnent pour qu'il soit bien soigné. Tous ces spécialistes pédiatriques que nous voyons régulièrement en consultation : gastro-entérologue, hémato, ophtalmo, orl, médecin fonctionnel etc…et puis les infirmières à domicile adorables. Nous avons une chance incroyable que beaucoup de soins, consultations, traitements soient remboursés par la sécurité sociale…grâce à tous ! N’est-ce pas fabuleux ce système ? Nos cotisations sauvent des vies, soignent, accompagnent des enfants, des personnes de tout âge malades, handicapées ! Nous avons une chance incroyable que la MDPH nous aide financièrement pour prendre soin d’Angelo au quotidien et qu’elle finance une équipe entière de paramédicaux (kiné, psychomot’, éduc, ergo, ortho, psy, assistante sociale) pour prendre soin d’Angelo toutes les semaines.
Nous avons une chance d’avoir nounou Martine, assistante maternelle le coeur sur la main, toujours là depuis le début à nous soutenir, à garder une place à Angelo même après plusieurs mois d’absence, faire tout son possible pour l’accueillir chez elle, même juste quelques heures pour qu’il rencontre d’autres enfants et soit dans un autre univers. Quel amour elle donne à Angelo et nous apporte un regard positif, joyeux, créatif sur lui.
Une chance d’avoir depuis septembre Claire qui s’occupe d’Angelo avec tellement d’attention, de tendresse et de rigueur durant 4 matinées par semaine (grâce à des financements privés cette fois-ci). Quel soutien elle est aussi pour nous !

Et puis nous avons une chance illimitée d’avoir mes parents à nos côtés depuis la naissance d’Angelo, ils sont d’une générosité et d’un soutien incroyable, d’un amour inconditionnel envers Angelo et nous. Ils sont toujours là, même dans les moments les plus éreintants ou désespérants. Ils sont toujours là pour nous donner du répit, chaque semaine. C’est plus que précieux, c’est vital ! Sans eux, nous n’aurions pas tenu.
Une chance d’avoir notre amie Céline nommée Tatie Cécé toujours présente, quoi qu’il arrive, même dans les pires moments, pour faire de gros câlins à Angelo, nous préparer des croques monsieur, donner un coup de main même pour des travaux pénibles, prendre soin de nous trois de mille et une manières …. une perle d’amour ! Je vous souhaite à tous d’avoir une Tatie Cécé dans votre vie !
Une chance d’avoir tous les amis et famille présents, chacun filant un coup de main et du soutien à sa manière…nous recevons tellement d’amour ! Vous êtes merveilleux !
Une chance d'avoir nos voisins Martine et Jean-Louis qui s'occupent si bien de Tchenlou notre chien ... sa seconde famille... car nous avons été si peu présents pour lui ces dernières années. Lui aussi a souffert de tout ça.
Une chance d’avoir facebook pour échanger avec vous tous ainsi qu’avec les parents d’enfants qui ont le même syndrome qu’Angelo ou d’autres maladies/handicaps…quel soutien, quel amour nous recevons de vous tous !!!
Tant de présence, tant de personnes qui nous donnent pour prendre soin d’Angelo et de nous, c’est un miracle ! Le miracle de l’amour ! Merciii ! Vous êtes chacun un miracle !


Et puis j’ai une chance sans limites d’avoir Gérald à mes côtés…un Papa extraordinaire, d’une bonté et d’un amour infini pour Angelo et pour moi. Un miracle d’avoir un homme au coeur tendre et vrai à mes côtés, d’une telle gentillesse, d’une telle attention. Il est mon coéquipier de choc et de coeur. Ensemble, nous formons une équipe complètement folle en même temps que ravagée, capable de tout pour notre petit bonhomme, un bouclier redoutable, une team d’entraîneurs amusants, persévérants, créatifs, organisés … formés sur le tas…à nous deux, nous sommes devenus des spécialistes dans tellement de domaines.
Et puis, malgré la fatigue, les tourments, le tonne de choses à faire, malgré des périodes sous tension 24 sur 24…malgré que toute cette situation malmène notre couple, Gérald n’a jamais lâché la barre tout en gérant beaucoup à côté. Et puis même au milieu de la tempête, jamais il n’oublie de me regarder, de me prendre dans ses bras, de me dire d’aller me reposer lorsque je suis épuisée, ou de me virer dehors quand je suis sur les nerfs pour décompresser, de me préparer de bons petits plats pour que je mange (sans lui, je serai devenue rachitique), de me faire rire…Oh oui, de me faire rire ! Le meilleur des remèdes, le plus beau des miracles ! Il y a eu de longs longs mois où il ne le faisait plus, j’étais très inquiète. Son humour est revenu, quel miracle ! Quel miracle cet homme, ce Papa si investit, créatif et joyeusement fou, ce compagnon de route ! Quel miracle d’avancer main dans la main sur ce chemin chaotique en même temps que plein à craquer d'amour !







Angelo vient d’avoir 3 ans. C’est un miracle aujourd’hui qu’il soit en VIE et si vivant. Il y a deux ans, on nous annonçait son diagnostic. Angelo est atteint d’un syndrome génétique rare et incurable : le syndrome de Cohen. Il y a deux ans, il était faible car il n’arrivait pas à se nourrir correctement et parce que son système immunitaire a une défaillance. Cela devenait critique. Il jouait très peu, ne nous regardait pas, semblait trop souvent ailleurs, il avait peu d’énergie, ne se tenait pas assis seul. Vous m’auriez dit comment il serait aujourd’hui, je n’y aurais pas cru, j’étais dans un tel tourment, Angelo n’arrivait pas à « s’incarner », les médecins étaient très inquiets pour lui.
Il y a quelques semaines, pour ses 3 ans, c’est à moi qu’Angelo a fait le plus beau des cadeaux : celui d’être pétillant de vie et celui d’être arrivé au monde le 24 septembre 2021. J’ai la joie de vous annoncer que j’ai enfin réalisé que mon fils est né. Oh oui ! Vous savez, quand on est dans l’urgence sans cesse dès le premier jour de vie, pas le temps de faire connaissance, pas de place pour la douceur, pour l’intimité, pour les gazouillis, impossible de ressentir la joie de le nourrir, ce fut l’enfer, pas de place pour la joie tout court.
Alors aujourd’hui, vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis reconnaissante d’éprouver enfin une joie infinie d’avoir un enfant. Je ressens dans mon coeur un miracle…comme un soleil qui se lève après de longues années de nuit. Je suis tellement heureuse d’accueillir le petit être qu’il est, avec toute sa différence qui fait de lui un être extra-ordinaire, avec tous ses besoins spécifiques…pour le pire et le meilleur.

Voilà où sont les miracles les plus fous : ils sont dans mon petit Angelo, dans Gérald, nos proches et nos amis, dans vous tous, dans les équipes médicales, paramédicales, les nounous et aides multiples…mais aussi dans mon regard qui vient de changer de camp et de cap, dans tout ce que nous vivons de joyeux et de doux en ce moment avec Angelo, dans mon coeur d’accord avec ce que la vie a déposé dans mes mains et me propose de vivre. Jamais je n’aurais pensé ressentir cela. Bien sûr, rien n’est stable et ce sentiment va sûrement se transformer, disparaître car le quotidien reste lourd à porter et les inquiétudes énormes concernant son avenir et le nôtre ... alors j’en profite tant que je le ressens et je veux le célébrer.
Pendant les premières années, je regrettai d’avoir fait un enfant. Ce n’est pas des blagues. Je me disais que j’avais fait une erreur de choisir de faire un enfant. Ça ne m’empêchait pas d’aimer plus que tout au monde mon fils mais chaque jour je me disais que ce n’était pas comme ça que ça devait se passer, je m’en voulais et espérais parfois l’impensable pour lui, pour moi.
Mais aujourd’hui et depuis quelques semaines, je suis prête et d’accord pour accompagner ce petit bonhomme jusqu’à la fin de ses jours….pour le pire et le meilleur…avec son Papa. Je suis d’accord pour être « au service » de cet être hors normes si précieux et si lumineux jusqu’à la fin de mes jours ou de ses jours.
Un tournant a eu lieu dans mon coeur, un miracle : une joie et une fierté sans mesures d’avoir mis au monde un fils nommé Angelo Ashoka Mercier.

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