Vendredi 6 décembre 15h :
Contrôle de l’éducation nationale car Angelo n’est pas scolarisé.
Pourquoi Angelo ne peut pas aller à l’école ?
Tout d’abord, il faut savoir que notre plus grand souhait est qu’Angelo puisse aller à l’école comme tout autre enfant. Trois ans que le faire garder est très compliqué voir impossible par périodes dû à son état de santé ou bien par manque d’argent. Alors autant vous dire que nous n’en pouvons plus et que s’il y avait une solution pour le faire garder, nous serions aux anges. Et puis quoi de plus beau que de voir son enfant se faire des copains-copines, de le voir apprendre, progresser, s’autonomiser même si je sais bien que ce n'est pas toujours tout rose l'entrée à l'école.
En juin dernier, nous avons fait des démarches pour se renseigner sur une scolarité pour Angelo.
Nous avons rencontré l’institutrice de l’école maternelle de notre secteur. Elle a été très accueillante, à l’écoute, a pris 2h pour échanger avec nous et rencontrer Angelo. Ensemble, nous avons fait le point sur les problématiques d’Angelo, là où il en est et évalué si ça serait adapté ou adaptable pour Angelo de venir à l’école.
Même si elle avait de très bonnes intentions pour Angelo, ce que nous avons beaucoup apprécié, elle a été réaliste et nous a bien dit qu'accueillir Angelo en classe serait le mettre en échec et non adaptable pour lui sur certains aspects au vu de leurs moyens matériels et humains. Et puis qu'au vu de ce qu'on lui présentait, ce serait dangereux pour sa santé pour le moment.

Les différents points sur lesquels une scolarisation n'est pas adaptée pour Angelo :
1. Système immunitaire : Angelo a une neutropénie profonde, ce qui veut dire que dès qu’il tombe malade, que ce soit viral ou bactérien, c’est dangereux pour lui. Il a des piqûres pour aider son système immunitaire mais il reste fragile. Et puis quand Angelo est malade, il ne mange plus par la bouche et vomit toutes ses alimentations par gastrostomie et donc son poids dégringole. S’il est trop souvent malade, cela devient critique pour lui. Donc quand l’institutrice nous dit qu’en maternelle, ils se refilent tous toutes les maladies infantiles à longueur d’année, ce n’est sûrement pas un milieu adapté pour Angelo. Ceci va évoluer dans le temps. Ce sera moins critique pour Angelo quand son poids et croissance seront meilleurs. Quand est-ce qu'il en sera là ? Nous ne savons pas.
2. Son hypersensibilité : Quand il est avec d’autres enfants, le bruit et l’agitation est très difficile à gérer pour lui au point de pleurer, vomir, se mettre en retrait ou se taper la tête car trop de stress pour lui. Chez l’assistante maternelle où il va régulièrement pendant 1h30, rien que deux enfants, c’est beaucoup à gérer pour lui, même s’il a progressé énormément ces derniers temps. Sûrement qu’un jour il pourra aller dans un plus grand groupe mais c’est beaucoup trop tôt pour lui. Pas à pas, à son rythme.
3. Angelo ne parle pas : Même si Angelo comprend énormément de choses, il ne parle pas et donc ne peut pas exprimer ce dont il a besoin. Nous mettons en place une méthode de communication augmentée PECS (avec des images) dont il commence à se saisir. Mais pour qu’il puisse réellement exprimer ses besoins, ses difficultés, ses envies avec cette méthode, il y a encore beaucoup de travail. Qui connaît cette méthode à l’école ? Personne. Or, c'est une méthode qui demande de se former, de suivre un protocole bien précis et demande beaucoup de travail avec l'enfant. Persévérance et patience sont nécessaires.
4. Angelo n’a pas la maturité affective d’un enfant de 3 ans. Ce qui veut dire que ce qu’on va lui demander en maternelle de l’ordre de la gestion des émotions, des frustrations, de savoir attendre et fonctionner dans un groupe, de savoir répondre à des consignes etc. : impossible pour lui pour le moment, il n’en est pas à ce stade.
5. Angelo est dans des acquisitions d’un enfant de 8 - 24 mois selon les domaines. Or, ce qui est proposé en maternelle n’est pas fait pour les enfants de ces âges là. Jamais nous imposerions à un bébé de 12 mois d'entrer à l'école et de faire ce que font des enfants de 3 ans. Alors pourquoi le système scolaire ne fonctionne pas en fonction du niveau cognitif de l'enfant dans le cas d'handicaps avérés plutôt qu'en fonction de son âge ? Voilà un problème pour tous les enfants ayant des gros retards cognitifs et de développement.
6. La non inclusion des enfants qui ne sont pas au même rythme que les autres : Si nous décidons par exemple de mettre Angelo à l’école à 6 ans lorsqu’il sera enfin dans des acquisitions d’un enfant de 3 ans, Angelo devra alors intégrer et suivre le programme de CP. Or, comme il n’en sera pas là, ils le feront redoubler et ensuite, s’il n’y arrive toujours pas : orientation IME (institut médico-éducatif) ou classe ULIS (Unité localisée pour l'inclusion scolaire). L'institutrice nous explique qu’elle pourra bien sûr le prendre un peu en maternelle par son bon vouloir mais le système ne permet pas de mettre un enfant de 6 ans en maternelle. S’il n’est pas au niveau attendu, on lui demande gentiment d’aller voir ailleurs. C’est la réalité ! Je n’appelle pas ça une école inclusive !
7. L’alimentation par gastrostomie : le matin, les soins, le pti’déj par la bouche, l’alimentation entérale nous prennent 2h-2h30. Il n’est pas possible pour Angelo d’être à l’école avant 10h (l’école est à 20 min de chez nous) et il doit repartir à 11h pour recevoir piqûre, soins avant de commencer à manger par la bouche à midi et enchaîner à 13h sur l’alimentation entérale. Personne à l’école n’est formé aux soins de gastrostomie et à l’alimentation entérale et nous n’avons normalement pas le droit en tant que parents de former l’AESH à ces soins (je trouve cette règle de l'éducation nationale complètement idiote). Elle peut être formé uniquement par des professionnels mais aucun ne savent faire soins de gastrostomie, connaissent les points de vigilance que nous avons acquis avec l'expérience, lui donner à manger par la bouche (car les toubles de l'oralité, il faut connaître les spécificités de l'enfant, sinon, on sabote tout!).
8. Angelo ne marche pas encore en autonomie (et donc à 4 pattes au milieu d'un groupe d'enfants debout, c'est spécial quand même), n'est pas propre, ne mange pas seul évidemment, ne sait pas dire ses besoins primordiaux (boire, manger, douleurs, besoins affectifs, besoin de calme, de repos, a fait caca etc.), il n'a aucune conscience du danger etc. Tout cela pourrait être compensé par la présence d'une AESH mais ça rajoute bien évidemment à tout le reste des difficultés.
Nous aurions pu faire le choix de le mettre quand même à l’école bien sûr, c’est-à-dire faire du gros forcing mais à quel prix pour sa santé, son estime de soi, son évolution etc ? A part l'amener droit dans le mur, je ne vois pas à quoi ça servirai.


Les autres solutions ?
- Enseignant spécialisé à domicile : pas possible car c’est dans le cas où un enfant est déjà scolarisé et doit être déscolarisé pour un temps donné pour raisons médicales. Pas le cas d’Angelo
- Ecole alternative montessori proches de chez nous avec petit effectif (pour gérer plus facilement si les autres enfants sont malades) : ils nous répondent : « ça dépendra du niveau d’autonomie d’Angelo ». Autant vous dire que ça montre d’emblée qu’ils ne vont pas s’adapter à lui mais c’est à lui de s’adapter à leur fonctionnement. Et d’autre part, c’est à nous de financer les frais de scolarité + une AESH dans ces écoles là, budget que nous n’avons pas.
- Classe ULIS à partir de 6 ans : peut-être une possibilité à l’avenir mais ces classes sont pour des enfants en situation de handicap qui n’ont pas de gros retards mentaux. Nous ne savons pas où en sera Angelo à cet âge là.
- Institut médico-éducatif pour enfant ayant de plus gros retards mentaux : 3 à 5 ans d’attente pour avoir une place. Et même problème de grosse collectivité et transmission des microbes et virus facilement. Nous allons quand même faire la demande à la MDPH pour avoir une place pour lui dans 3 à 5 ans si nous n’avons pas d’autres solutions
- Il existe des UEMA (Unité d’école maternelle pour autistes) : classe à part dans une école maternelle ordinaire, ils fonctionnement avec 5 à 8 enfants maxi (petits groupes plus gérable pour la transmission des maladies et pour la sensibilité d'Angelo) et surtout, le personnel qui y intervient est formé au handicap et c’est du « one to one » (un adulte pour un enfant). Avec parfois une salle de repos/isolement quand les stimulations sont trop fortes pour l’enfant etc. Angelo ne peut pas y avoir accès car il n’est pas diagnostiqué « autiste pur ». Il a uniquement des traits autistiques et tant mieux, ça nous suffit. Une même unité pour enfant ayant retard mental et divers problématiques de santé et handicap serait l’idéal pour Angelo. Mais ça n’existe pas. Et pour info sur les UEMA, le seul hic pour les enfants autistes, c’est jusqu’à 6 ans et après, même problème, pas de solution pour eux.
- Des écoles adaptées aux enfants handicapés privées (frais de scolarité très chers et autres dépenses non soutenues par l'état) : il en existe une quinzaine en France mais encore une fois, Angelo ne rentre pas dans les cases. Une seule qui est en devenir (devrait ouvrir en septembre 2025 ou 2026) en Bretagne pourrait être envisageable. Nous sommes en train d’étudier la question.

Le dossier de demande d’autorisation d’IEF (Instruction en famille)
N’ayant pas d’autre solution pour le moment, afin d’être dans la loi, nous avons dû demander une autorisation d’instruction en famille. J’ai écrit une longue lettre pour expliquer les problématiques d’Angelo et les raisons de sa non-scolarisation.
La lettre d’annonce du contrôle
Nous avons reçu une lettre nous annonçant que nous allions être contrôlé le vendredi 6 décembre à notre domicile. Cette lettre vient de l’éducation nationale « service inclusion » et pourtant, ne parle à aucun moment du cas lorsque l’enfant est malade ou handicapé. Ils nous annoncent seulement que si on ne met rien en place pour notre fils et on ne respecte pas ce qu’ils demandent dans le programme, nous risquons amendes et obligation de mettre Angelo à l'école. Merci pour la menace alors que ce n’est pas notre choix et qu’Angelo n’est évidemment pas capable de suivre le programme de l’éducation nationale. Cette lettre est très violente pour nous à recevoir et nous met très en colère.
Comment s’est passé le contrôle ?
Deux enseignantes spécialisées viennent à domicile pour le contrôle. Elles ne connaissent absolument rien de la situation et des problématiques d’Angelo.
Nous leur exposons notre mécontentement de ne pas avoir le choix, de recevoir cette lettre absolument pas adaptée, de voir qu'elles ne sont pas au courant de la situation alors que j'ai pris soin de l'expliquer dans le dossier et de nous imposer un contrôle, une pression supplémentaire dans une quotidien déjà stressant, épuisant, où on fait déjà le plus que maximum.
Elles se mettent rapidement à l’écoute et au niveau d’Angelo. Ouf ! Nous tombons sur deux enseignantes humaines. Mais elles nous montrent leurs grilles d’évaluation pour le contrôle qui ne sont prévus que pour des enfants « normaux ». Le tableau comprend : acquisitions en Français, Mathématiques, Histoire-Géo etc. Ahah ! Elles font comme elles peuvent pour remplir leurs grilles non adaptées et écrivent bien toutes les problématiques d’Angelo ainsi que tout ce qui est mis en place pour lui : prises en charge médicales et paramédicales (kiné, ergo, educ, psychomot’, orthophoniste et orthoptiste, sociabilisation "en douceur" chez l’assistante maternelle) ainsi que tout ce que nous faisons à la maison avec lui pour des acquisitions préscolaires. Elles voient qu’il est énormément stimulé, pas isolé et bien pris en charge.
Bref, le contrôle s’est bien passé et elles nous ont donné un avis favorable (encore heureux! Sinon, c'est eux qui seraient maltraitants envers Angelo que de l'envoyer à l'école!) mais on constate bien que le système n’est pas du tout adapté à des situations comme celle d’Angelo.
On les re-questionne sur les solutions pour Angelo. Pour le moment, rien, à part faire un dossier pour une place en IME (Institut médical-éducatif) dans 3 à 5 ans. Et bien ! Pas gagné l'affaire !



Quel avenir pour Angelo et les enfants handicapés dans le même cas que lui ?
De nombreux enfants sont dans la même situation qu’Angelo. Alors que l’accès à l’instruction et à la scolarisation est un droit et un devoir de l’Etat pour tous, cette loi n’est pas respectée par manque d’adaptation du système et de moyens. Beaucoup d’enseignants voudraient accueillir ces enfants et faire le maximum pour eux mais malheureusement, ils n’ont ni la formation, ni suffisamment de moyens matériels, humains et financiers pour les accueillir. Beaucoup se sentent démunis.
Je suis dans plusieurs groupes facebook de parents d’enfants handicapés. Tous les jours, je lis des messages de détresse de parents qui n’ont pas de solution de scolarité ou alors qui sont face à des situations de mauvaise traitance envers leur enfant à l’école soit pas manque de moyens matériels ou humains, soit par manque de bonne volonté de certains professionnels.
Il faut savoir aussi que pour que ces enfants handicapés soient scolarisés, ce sont des efforts colossales pour les parents pour coordonner les soins médicaux et paramédicaux avec une scolarité bien souvent chaotique et pour faire entendre et respecter les besoins spécifiques de leur enfant auprès de professionnels non formés. Nous connaissons déjà cette bataille auprès des équipes médicales. Nous entrons maintenant dans la bataille de la scolarité. Nous venons d'entrer dans un labyrinthe de recherches, administratif, humain et financier infini.
Bref, même si l’éducation nationale se veut « inclusive », elle en est loin. Le système d’AESH est un grand pas mais est loin d’être adapté pour beaucoup d’enfants handicapés. Il faut savoir qu’elles ne sont pas assez nombreuses en France, qu’elles ne sont pas formées au handicap, dans de situations précaires et donc le « turn-over » est énorme et si elles sont absentes, elles ne sont pas remplacées, ce qui empêche l’enfant d’aller à l’école.

Quel avenir pour nous aussi ?
Au milieu déjà de tous les soins et stimulations pour le développement d’Angelo que nous devons fournir, nous devons endosser un rôle de plus : celui de devenir les enseignants de notre propre fils sans savoir comment nous y prendre (personne ne nous accompagne là-dedans). Pour le moment, pas de panique, Angelo est dans des acquisitions préscolaires mais cela demande déjà pour nous de trouver des chemins pour l’aider à y accéder.
Il faut savoir que les acquisitions pour un enfant handicapé sont beaucoup moins naturelles et aisées à développer par rapport aux enfants dans un développement normal. ça leur demande des aménagements, des chemins différents auxquels nous ne pensons pas, beaucoup plus de temps et de répétitions, d'acheter du matériel adapté qui coûte cher.
Un exemple, pour qu'Angelo apprenne à mettre un rond dans un rond, un carré dans un carré etc., j'ai dû acheter 5 jeux différents pour trouver celui qui lui a permis d'accéder à cette acquisition.
D’autre part, quelle solution de garde ? Pour le moment, grâce à mes parents qui gardent Angelo régulièrement et grâce à un financement privé du Club Kiwanis, nous avons Claire qui garde Angelo 15h par semaine depuis septembre mais cela va durer jusqu’à fin avril 2025. Après, plus rien.
Il va me falloir passer l’hiver à faire des dossiers pour trouver des financements (et attendre les réponses pendant des mois) pour faire garder Angelo à domicile, si possible à tiers ou plein temps. Embaucher quelqu'un à domicile, ça coûte très cher - même si nous reprenons nos professions chacun, nous ne pourrons pas nous payer cela.

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