Comment trouver la liberté ?

Comment au milieu d’une vie remplie de contraintes, de responsabilités et de stress au quotidien peut-on trouver la liberté ?

Les contraintes et responsabilités ne peuvent malheureusement pas être abandonnées sous peine de mettre en danger la vie de mon enfant. Je ne peux pas choisir du jour au lendemain de quitter mes responsabilités, de changer de vie, de tout laisser tomber … ou alors ça s’appelle de l'abandon ou encore de la non assistance à personne en danger. Impossible ! Alors comment faire ? Alors que j’avais un métier où je me sentais heureuse et pleinement à ma place, que j’avais mis plus une vingtaine d’années à faire émerger et fleurir. Alors que j’avais réussi à trouver une liberté intérieure face à tous mes démons du passé. Alors que je ressentais enfin de la légèreté en mon être et de la joie d’être en vie ; me voilà embarquée dans une aventure de vie plus que tourmentée, de l'ordre de l'enfer dans certaines périodes, m’enfermant dans un quotidien stressant, hyper contraignant, aux responsabilités lourdes concernant la survie de mon enfant et son bon développement. Un quotidien où tout s’enchaîne, où aucun plan ne peut être tenu. Plus de place pour mon activité professionnelle, pour prendre soin de moi, pour rêver à un avenir meilleur. Plus rien ne semble possible.

Comment trouver la liberté au milieu d’une vie « condamnée », assignés à résidence par la charge trop importante des soins et par une privation de vie sociale ?  

Parfois, j’essaie d’être créative, à imaginer ce qui serait possible avec Angelo. Pour trouver des espaces de liberté au milieu des contraintes. La liste des possibilités se réduit rapidement pour ne laisser place qu’à de vagues idéalisations. Mais parfois, une part de moi essaye de rester optimiste et se dit : et si c’était possible ? Et si nous rêvions même ce qui nous semble impossible ? Et si on essayait de se donner les moyens, même si c’est beaucoup de travail ? Peut-être que l’on confond trop liberté et facilité ?

Est-ce vraiment toutes les contraintes au quotidien, notre manque d’énergie etc. qui nous donnent ces impossibilités ou y’a t’il une part de notre mental qui empêche de se sentir libre dans une situation? Est-ce que même emprisonnés concrètement pouvons-nous trouver une forme de liberté ? Je pense que oui. Certains ont trouvé la liberté même dans les pires conditions de vie. Mais comment ? Je n’ai pas la clef. Je cherche, me questionne, parfois me débat, crie, m’énerve contre dieu, contre bouddha, contre ceux qui soit disant prient pour nous et qui visiblement ne savent pas prier, à m’énerver contre la vie de ne pas nous aider, de nous rendre la chemin impraticable.

J’ai compris oui que la liberté ne pouvait pas se vivre sous conditions. De bonnes conditions de vie peuvent nous donner cette illusion que nous sommes libres. Et c’est quand nous n’avons plus les bonnes conditions et que les choses ne se passent pas comme on le souhaite que nous nous sentons prisonniers. Je ne veux plus vivre ma liberté sous conditions. Je veux la ressentir quelques soit la situation que je vis, même la plus terrible. Mais comment ?

Se sentir libre et heureux dans des conditions que nous ne souhaitons pas, où le rythme de nos journées est imposé par le rythme des alimentations par gastrostomie bien trop longues, par les soins, les piqûres, les médicaments à donner, les patchs à coller, les stimulations à pratiquer, les rendez-vous médicaux et paramédicaux, où l'on ne peut plus avoir une vie sociale comme avant, où notre vie professionnelle s'est écroulée, où les sorties et les voyages en voiture avec Angelo sont soumis à une grande organisation et à des complications fréquentes, où le temps pour soi est limité, où les coups de stress sont fréquents,  où il faut trouver des ressources financières, matérielles et humaines, où l’on sait que toute notre vie, entière, va être vouée à l’autre, dépendant, où presque chaque plan construits vont être détruit jour après jour, où tout échappatoire, moments de ressources, de repos vont être comptés et vont devoir s’organiser et dépendre de beaucoup de gens.

Comment faire ? Comment au milieu de tout ça se sentir libre ? Je veux trouver comment être libre dans le sens de faire du cadre et des contraintes un tremplin, un support créatif. Peut-être faut-il commencer par changer de vision sur ce qui me semble être des contraintes, des entraves ? Peut-être faut-il voir ce que permettent toutes ces contraintes et les remercier ? Comme cette machine qui permet de nourrir Angelo tous les jours, 4 fois par jour et que je déteste parce qu'elle me rappelle tout le temps qu'Angelo ne peut pas se nourrir seul. Parce qu'elle rend notre vie à tous les trois compliquée. Peut-être pourrais-je l'aimer ? Parce que cette machine, quand même, elle est un outil fabuleux pour permettre à Angelo de bien grossir et grandir et d'avoir de l'énergie. 

N'est-ce pas comme lorsque je traçais de la géométrie ? C'était justement le cadre, le tracé, la contrainte et la rigueur des traits qui me rendait créative. Certaines personnes y voient un enfermement, une contrainte qui les bloque. Pour moi, c'était le contraire, ça me donnait un cadre et un support qui m'aidait à m'exprimer à l'intérieur. Si je partais d'une page blanche, j'étais incapable d'être créative et de peindre quelque chose. Mais par contre, lorsque j'entrais dans l'exigence et la complexité de la géométrie, c'était là que je trouvais un chemin de liberté, de joie et de créativité infinie. Réellement.

N'est-ce pas cela qu'il me faut trouver dans ma situation actuelle ? Danser avec les contraintes, me servir de l'exigence de la situation pour tracer un sentier créatif et atypique ? Faire corps avec la complexité et l'obscurité pour y déposer des gouttes de couleurs et faire émerger la lumière de ce tableau bien sombre ? 

Qu'est-ce vraiment la liberté ? Je crois qu'en fait je n'en sais rien. Aujourd'hui, je me sens encore trop condamnée, emprisonnée. Alors je me questionne. J'aimerais comprendre au plus profond de moi-même pour faire de ma prison un sentier atypique et infini qui me mènera bien plus loin que l'espéré.

Ce que je sais, c'est que je veux croire en un sentiment d'être libre qui ne dépend pas des conditions extérieures. Je veux croire en ce sentiment de liberté inconditionnelle.