
Comment voir la lumière si le ciel a été assombri pendant des années et que les médecins et un diagnostic vous l’ont assombri par prévision ? Prévoir un ciel orageux pour des années sans espoir d'accalmie et d'éclaircies, c’est rude ! On aurait juste envie de se barrer dans un pays ensoleillé.
Jamais je n’ai douté de mon amour pour Angelo. Je le trouve si beau, si exceptionnel que jamais je n’ai douté que ce petit être méritait de vivre. Je me suis questionnée sur la justesse de le maintenir en vie à une période, c’est vrai. Cette question éthique qu’on se pose tous quand on semble s’acharner à vouloir maintenir en vie un être humain, à vouloir le gaver alors qu'il ne peut pas manger.
Mais par contre, j’ai tellement souffert que j’ai souvent douté de mon choix initial : celui de faire un enfant. On m’a tellement répété que mon enfant n’était pas normal que je me suis souvent dit que si je n’avais pas fait le choix d’avoir fait un enfant, jamais il n'aurait souffert, jamais il ne serait arrivé pour « déranger le monde », jamais nous aurions été aussi dépendant du système sociale et médical, des autres, jamais je n’aurai autant pleuré, jamais je n'aurai perdu mon travail, jamais Angelo n'aurait eu une vie compliquée, jamais il n'y aurait eu cet accident génétique.
J’ai besoin de décharger cette tonne de stress que j’ai accumulé, ces frayeurs, ce non répit…je commence tout juste à avoir un peu de répit et je constate l’étendue des dégâts…un vrai champs de bataille…une zone de désolation en moi…extérieurement pourtant, les nuages se dissipent tout doucement, lentement mais je me vois encore à toucher du bois dès que je dis que les choses évoluent positivement…tellement peur qu’on se retrouve encore aux urgences le lendemain…je vois des rayons apparaîtrent mais en moi, les nuages ne se sont pas encore dissipés car l’orage a été tellement violent que tout est détruit.
Il me faut retrouver courage, énergie pour tout reconstruire là il y a la peur permanente que tout s’écroule à nouveau dès que j’aurai remis quelques pierres à l’édifice. Il me faut tout reconstruire avec d’énormes et nombreuses contraintes, avec un avenir peu prometteur, avec au milieu de cette reconstruction de tonnes d’imprévus dû à la maladie d’Angelo. Comment avoir envie de tout reconstruire quand on est épuisé, abîmés, que l’horizon est très menaçant, quand les moyens sont très pauvres, quand la travail est régulièrement saboté. Je ne sais pas vous, mais moi, pour le moment, ça ne me donne pas du tout envie.
Juste envie d’aller me coucher et attendre que ça passe. Mais la réalité, c’est que rien ne passera. Ce n’est pas un simple nuage qui passe, c’est un énorme nuage noir qui va rester tout le temps là, pesant, menaçant et l’horizon bouché….parfois avec des éclaircies comme en ce moment qu’il me faut apprendre à apprécier à 1000%…parfois avec d'énormes orages de nouveau….rien ne passera, c’est ça la réalité ! Jamais ! Jusqu’à la mort d'Angelo ! Il va falloir composer avec.

Alors reconstruire dans ces conditions, c’est chaud ! Et en même temps, si je ne le fais pas, c’est m’enfermer, c’est me condamner à une vie de corvée, de désolation, c'est condamner Angelo. Alors franchement, c’est pas ça que je souhaite ni pour moi, ni pour Angelo, ni pour Gérald. Mais comment trouver le courage, la non peur, l’élan, l’énergie, l’enthousiasme ? Je ne le sais pas encore.
Je vais y aller pas à pas, prudemment, en respectant mon rythme, en acceptant que la joie n’est pas là, que c’est laborieux, que ma batterie est à zéro et donc que je suis très lente, en essayant d'intégrer une réalité crue : sûrement que demain tout sera détruit à nouveau.
Je vais commencer par nettoyer cette zone de chantier, cette zone de désolation….puis peut-être après je pourrai poser une pierre, la regarder, l’apprécier puis une deuxième pierre. Même si je n’ai pas l’enthousiasme, je vais continuer parce que je sais que c’est ainsi qu’on remet du mouvement. Mais peut-être qu’au bout de la 30 ème pierre, tout s’écroulera à nouveau. Alors est-ce que je recommencerai ou pas ? Je ne sais pas. J’espère.
Alors allons-y, je vais poser une première pierre...pour moi, pour lui, pour nous. Et tant pis si ça met une semaine ou plusieurs mois. Même si ça ne paraît pas grand chose aux yeux du monde, aux yeux des travailleurs sociaux, de ceux qui vous accordent ou non les aides financières, aux yeux de tous ceux qui savent ce qui est bon pour vous, aux yeux de ceux qui vous ordonnent de prendre un travail alimentaire alors qu’ils ne comprennent rien à vos contraintes et à vos douleurs. Eh bien, ça sera énorme pour moi, ce sera le max que je pourrai faire et je vais m'en féliciter. Seule moi-même saurai à quel point, au vu de ce que j’ai vécu, ce que j’ai fait est gigantesque.
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