Aujourd'hui, nous sommes le 7 janvier 2024 et je commence à créer ce blog, à retravailler ou à laisser bruts pleins de textes écrits à la dérobée depuis la naissance d'Angelo. Voilà plus de 2 ans, depuis le 24 septembre 2021 que je vis la plus terrifiante épreuve de ma vie, la plus éprouvante physiquement, émotionnellement et mentalement.
Et c’est seulement maintenant que je sors de deux ans d'action en continuel "mode urgence", que je réalise ce que j’ai traversé et ce que je vais devoir continuer encore et encore à traverser … pour et avec mon fils Angelo et avec son Papa Gérald, pour toute notre vie.
Depuis sa naissance, Angelo a vécu de nombreuses hospitalisations pour graves difficultés d'alimentation et de croissance, ainsi que pour une immuno-dépression. Ces problèmes lui ont valu d'être alimenté par sonde naso-gastrique puis maintenant par gastrostomie. A ses un an, un diagnostic a été posé , Angelo est atteint d'un syndrome génétique rare et incurable : le syndrome de Cohen. Cette maladie engendre de graves et multiples problèmes de santé associés de gros retards psychomoteurs, langagiers, sociaux, un retard mental important et avec des comportements autistiques. Après une année déjà extrêmement éprouvante, le diagnostic tombe comme une "condamnation à perpétuité" de mon fils et par conséquent pour nous aussi ses parents. Le choc est violent. Un cauchemar éveillé, à coeur ouvert.

Je réalise aujourd’hui qu’après ces deux années de chocs, d’urgences, de stress puissance 1000, de pleurs à n’en plus finir, de colères insoutenables, d’incertitudes, d’action, de mauvaises nouvelles, de découragements, de désillusions, de désespoir et d’écroulement de tout ce que nous avions construit avant…il me faut digérer et aussi décharger beaucoup beaucoup cette tonne d'émotions et de stress accumulés, informer, être reconnue et trouver un chemin de résilience.
Mais digérer, intégrer sans avoir beaucoup de temps pour soi, dans un quotidien qui reste très stressant, chronophage et épuisant, ce n’est pas simple.
Mais décharger dans un monde où au bout de quelques mois, nous devrions avoir tout accepté, voir les choses d’un regard positif et se remettre à bosser comme si de rien n'était sans même prendre en compte la réalité de nos contraintes, ce n’est pas possible.
Et informer, expliquer, se sentir reconnu dans un monde qui ne veut pas accueillir la souffrance, le désespoir, la défaite, l'impuissance, la dépendance, le non rentabilité … dans un monde où pour obtenir des aides est un parcours du combattant, dans un monde où l’on ne connaît absolument pas les processus de deuils complexes, c’est vraiment pas facile.
Mais trouver un chemin de résilience dans un monde où l’on prône sans cesse la résilience extraordinaire et héroïque de quelques individus minoritaires en oubliant tous ceux qui ne se sont jamais remis d’un drame et qui ont coulés, c’est pas simple. Car c’est se mettre une pression monstre et cela donne une vision de la résilience complètement biaisée.

Bref, j’ai besoin de trouver mon propre chemin, pas celui qu’on me recommande de prendre, pas celui que la société voudrait qu’on prenne, pas celui de tous ces héros. Le mien, singulier, peut-être insignifiant, transparent ou inutile aux yeux du monde mais le mien, celui qui me sera le plus bénéfique pour mon coeur, celui qui me fera sentir dans mon coeur une profonde gratitude d'être en vie et d'avoir mis au monde un enfant différent, celui qui me donnera cette sensation qu’un feu chaleureux, vivant et créateur s’anime à nouveau en moi, celui qui me redonnera de l'espoir.
Je veux trouver mon propre chemin, celui qui me rendra fière de moi-même, de mon fils Angelo, de Gérald son papa, le chemin qui me fera dire que j’ai bien fait et que je suis d'accord avec ce que la vie me donne à expérimenter. Le chemin qui me permettra de porter un regard positif sur Angelo, de lui donner confiance en lui et de l'aider à développer ses talents en partant de ce qu'il est et non pas de ce que je voudrais ou que le monde voudrait qu'il devienne (un être humain qui rentre dans la norme).
Il y a aujourd’hui pour moi cet unique besoin vital : celui de trouver comment tout reconstruire après avoir vécu un "tsunami" et comment être heureuse alors que ce tsunami va continuer ses ravages.
Malgré tout, même si la douleur est vive continuellement, j’ai la chance qu'Angelo soit si beau, si courageux, si tendre et attachant. Je remercie le ciel que ce petit être soit d'une fraîcheur et d'une délicatesse si extraordinaire. Je remercie le ciel qu’il lui ait épargné la pire des maladies : celle qui tue et le pire des handicaps : celle où l’enfant n’a nulle autonomie ou alors régresse, décline ou porte des handicaps bien plus lourds et invalidants que ceux d'Angelo. D'autres parents vivent bien pires, j'en suis consciente et je m'incline devant eux.

Pour le moment, je suis perdue, je n’ai plus aucun espoir pour mon avenir et celui de mon fils, plus d’horizon…je vis juste au jour le jour, enfermée dans un combat sans fin pour mon fils, dans un quotidien fait de beaucoup de corvées, de stress, de soins, de vigilance accrue, de nombreuses limitations, de rêves brisés, de fatigue, de découragements, d'isolement, de lassitude, de tristesse.
Bien heureusement, et c’est cela qui nous permet de tenir, nous vivons des moments de joie simples, de rires, tout en étant émerveillée par Angelo, sa beauté, sa délicatesse, sa poésie, sa fantaisie, ses évolutions. Nous sommes touchés par ce petit être étrange car non ordinaire, nous sommes fiers de ce petit bonhomme plein de force et de courage, et nous nous émerveillons devant cette petite bouille d’amour qui rigole et s’amuse du moindre détail.
Mais le poids de la maladie prend trop de place, le stress, la surcharge émotionnelle et de choses à faire envahissent bien trop le quotidien et pèsent bien trop lourd dans la balance à côté de la joie, des partages enthousiastes et gratifiants. Et tout ça ne laisse pas d'espace ni de temps à des perspectives et projets en famille, personnels, sociaux et professionnels. Même une simple sortie est complexe et stressant à mettre en place.
J’ai créé ce blog en premier lieu pour m’aider moi-même.
Pour trouver des solutions, changer de vision, questionner mon rapport à la maladie, au handicap, aux traumas, à ma place de maman aidante.
Pour parler de ce que je vis, des chocs que j’ai traversé et qu’il est très dur de partager oralement. Pour m'octroyer tout l'espace dont j'ai besoin pour décharger tout ça. Cet espace que personne ne peut m'accorder totalement car mon trop plein est bien trop énorme.
Pour exprimer la douleur, l’injustice, l’inacceptable, les questionnements, l’incertitude, la tristesse, les peurs, la révolte.
Pour parler du parcours des enfants malades et/ou handicapés et de leurs parents. Car nous sommes une minorité dans le monde, une minorité non rentable et dépendante, et donc la parole ne nous ait que trop rarement donnée. Alors j'ai décidé, à ma manière, de prendre la parole.
Pour partager aussi les réussites, les joies, la beauté, l'amour, les montagnes gravies, l'émerveillement.
Pour peut-être permettre à ceux qui me liront de mieux comprendre les parents d’enfants malades et/ou handicapés et ainsi s’ajuster face à eux pour ne pas les blesser et/ou pour les aider.
Pour trouver le chemin du bonheur même au milieu d’un cauchemar.
Pour accepter que la vie est à la fois terrifiante, insupportable et somptueuse. Black and white in the same time !
Pour informer.
Pour, je l’espère, permettre à d’autres parents de se sentir moins seuls, d’apaiser des doutes, des culpabilités, de trouver des réponses ou autre.
Pour Angelo, pour Gérald, pour nous trois...pour mes parents, nos familles et tous nos amis.
Merci à vous de me lire et je vous souhaite un beau chemin de vie.
Que la lumière et la joie demeurent toujours en votre coeur, même ne serait-ce qu'une infime lueur dans les périodes les plus sombres de votre vie.

Ajouter un commentaire
Commentaires